Une maitrise totale de la mise en scène

Un entrainement. Voilà ce qu'était Irréversible. Un entrainement à une mise en scène totalement atypique et qui ne trouvait de justification que dans une violence inouïe, qui a tant fait parler lors d'une certaine projection cannoise de 2002. Irréversible avait la force de nous embarquer dans une épreuve des sens éprouvante, et la faiblesse de manquer d'un véritable scénario construit, ce qui, de l'aveu du réalisateur, était le cas. A l'époque, le choc de la mise en scène (cette caméra tournoyante omnisciente ne trouvant au fur et à mesure sa stabilité qu'à force de s'éloigner de l'enfer potentiel qu'est notre avenir), beaucoup plus que celui de la violence, avait donc attisé ma curiosité pour ce cinéaste que je ne connaissais alors pas: Gaspar Noé. Et j'étais donc impatient de découvrir ce fameux film qu'il avait en projet depuis 20 ans, dont il parlait déjà beaucoup lors de la promo d'Irréversible...

Et quelle claque ! Ici, point de violence choquante ou d'improvisation à outrance, mais une histoire tout simplement. Pas très originale dans le fond, mais gagnant sans cesse une force par une virtuosité du maniement de la caméra, qui ne permet plus de dissocier fond et forme. La caméra est l'élément narratif principal et nous permet d'assister à cette histoire de manière totalement inédite au cinéma. C'est bien simple: je n'avais jamais vu ça.

Le film s'ouvre sur un générique hypnotique, très vite suivi par un plan-séquence beaucoup plus calme, intégralement en caméra subjective. La sensation d'ETRE le personnage principal n'a jamais été aussi bien rendue au cinéma. On pense à Strange Days notamment, mais qui restait assez globalement en surface, alors qu'ici tout est histoire de sensation. Des clignements des yeux à la respiration, tous les détails sont pensés pour nous faire entrer littéralement dans la peau du personnage. Et déjà au bout de 30 minutes, le constat est fait: Noé filme comme personne. Et ça continue: de la vue subjective en plan-séquence, nous passerons à la vue de dos en montage cut ultra-rapide pour continuer en caméra omnisciente, allant et venant de pièce en pièce. Des effets de mise en scène ? Non, car les différentes approches puisent leur raison d'être dans les différents états du personnage. Noé nous donne les clés pour ressentir le voyage qui nous mènerait à la mort, à grand renfort d'effets spéciaux et de mouvements de caméra improbables. Le trip ultime ? On le ressent.

Mais l'expérimentation n'est pas gratuite, et l'émotion pointe rapidement le bout de son nez. J'en suis sorti abasourdi et dévasté. Une vision de la vie désespérante et pleine d'espoir, voilà l'un des paradoxes de ce film qui ne peut pas s'expliquer... Du grand cinéma, comme il est rarement donné à vivre.
Guiguich
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le 4 janv. 2011

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