Entre 4 et 8, en fait.


Je ne (re)connais pas les intentions du film et c'est très gênant dans la lecture.


C'est à la fois un film violent avec tout ce qu'il ne faut pas faire, avec un professeur qui attise et attire une radicalité sur lui, avec son cortège d'incommunications, de messages parasites, de soumissions scolaires, d'humiliations collectives et de surenchères langagières... Et c'est en cela que le film devient très intéressant : sur la communication en général, sur la compréhension et le ressenti, plus que sur la scolarité.


Parce que si c'est un film confiné sur l'école, il y a une normalité bureaucratique, pourrissante et peu franche qui me dérange profondément, qui se justifie sans arrêt, sans interstice pour justement faire passer l'idée que ce qui se passe actuellement à l'école, en réalité, n'est pas si mauvaise ou injuste. Le cas de conscience final (faut-il une punition adaptée ?) retrace bien la sclérose dont est menacée l'école dans son action éducative car l'école trie. Une école qui trie reproduit un tri organisé sans jamais remédier à la cause de ce tri.
Et il est bien là le bât qui blesse. Le film ne se remet jamais en question, c'est apparemment à nous de le faire. C'est une manière que je trouve personnellement assez primitive et qui manque de décision, de parti pris. Ce qui me désole le plus avec ce film, c'est qu'il y en a beaucoup pour dire qu'il n'y a que des trucs normaux dans ce film... Et que Cantet a offert un film sur une jeunesse détestable et actuelle - ce que nous sommes en droit de penser aussi.


Dans ses films, Cantet est d'habitude plus directif : une image, une idée, un sens. Mais Entre les murs n'a pas cette faculté tant on nous montre un professeur optimiste devant une jeunesse désoeuvrée. Pour moi, qui suis un bon critique de l'école obligatoire, un adversaire de l'école de Ferry (qu'on glorifie toujours alors qu'il n'a jamais mis sur pied l'école gratuite et obligatoire pour avoir de meilleurs travailleurs), Entre les murs résonne comme un poignard envers tout ce qui n'est plus à faire... Et les gens qui se complaisent dans cette vision me terrifie.


C'est un film qui montre tout ce qu'il manque à l'école et qui finit dans une effusion d'injustices. Il est, à ce titre, un film sur la vie interstitielle scolaire : sans le travail des CPE (conseiller principal d'éducation) et sans la formation des surveillants, les contradictions entre les intérêts des professeurs (faire un cours, se faire respecter et inviter les élèves à la participation d'un ouvrage commun) et les intérêts des élèves (s'entendre avec les autres élèves et le professeur, suivre le cours et assimiler des connaissances pour les acquérir) est voué à un antagonisme sans retenu.
Si demain, l'on parle aux actualités de la violence scolaire, en pointant du doigt certains jeunes, certains quartiers populaires plus que d'autres, c'est sans conteste que nous touchons du doigt au racisme d'Etat, le racisme anti-immigrés, anti-pauvres et pro-héritiers.


Je trouve la majorité très aimable avec ce film, que je trouve vraiment très violent et peu enclin à trouver une issue positive. Si ce film a été largement reconnu et fut salué tant par la critique que le public, c'est parce qu'il a été défendu par des personnes qui ont elle-même intégré que "Entre les murs" est une somme de comportements normaux dans un système normal.


C'est un film comme son prof principal, tyran obligé et aliéné : le caractère le plus manifeste de la mauvaise foi.

Créée

le 1 sept. 2013

Modifiée

le 1 sept. 2013

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Andy Capet

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