8 ans!!!! 8 ans d'attente rendez-vous compte!!
Enfin du moins pour la plupart des personnes qui attendaient ce film, mais pas pour moi. En effet, bien que grand admirateur de la série animée de 1995, je dois bien avouer ne jamais avoir vu les films qui composent la saga Rebuild et qui, à l'adresse de ceux qui ne seraient pas familiers à l'univers d'Evangelion (que faites-vous là?),est grosso-modo un remake en longs-métrages de la série originale, avec des variations tout autant au niveau de l'intrigue que de la réalisation. Ainsi, alors que la plupart des gens semblaient furieux de voir cette conclusion tant attendue débarquer sur Prime Video ,et ce avec le reste des films Rebuild, j'admets volontiers m'être égoïstement réjoui de cette nouvelle qui m'a permis de rattraper mon retard avant de m'engager dans cet ultime long-métrage. J'ai donc, comme toute personne qui se respecte, enchaîner les 4 opus en deux jours et demi. De ce fait, il y a fort à parier que mon regard sur l'œuvre sera bien différente de celui d'une personne ayant pu attendre cette conclusion depuis des années.


Mais parlons plutôt du film voulez-vous...
Tout d'abord, la scène d'introduction nous permet de nous assurer une chose : le film est visuellement très impressionnant. Alors attention, la rigueur technique des modèles 3D n'est peut-être pas au même niveau qu'une production américaine, le but ici est cependant moins ladite rigueur que les possibilités offertes en terme de dynamisme, de mouvement et d'intensité. Ainsi, dans cette première scène d'action, tout bouge à une vitesse affolante et avec un rythme à perdre haleine, le tout dans un Paris mué en désert rougeâtre et dont la reproduction presque photoréaliste dénote avec le design global des personnages. Le décor est donc planté, tant au niveau visuel que thématique : nous avons ici affaire à des personnages isolés et déconnectés de leur environnement. Néanmoins, alors que cette première scène pourrait nous faire attendre à 2h35 d'action en images de synthèse, le film décide très intelligemment de mettre en pause son récit pendant une bonne demi-heure, prenant le spectateur par surprise et installant une atmosphère inédite jusque-là dans ce que j'ai pu voir d'Evangelion. Cette prise de risque qui pourrait être ressentie comme une simple perte de temps et devenir propice à l'ennui permet en réalité ce qui est, à mes yeux, le meilleure passage du fil : 30 minutes faites d'errance, de mal-être et de mélancolie, permettant aux personnages de gagner en complexité et d'entrevoir une alternative véritable à leur obsession futile. Oh et c'est aussi l'occasion pour le film de remontrer des adolescentes à moitié nues perpétuant ainsi ce qui finit par devenir une marque de style obsessionnelle au sein de la saga.


Et puisque le sujet de l'obsession est abordé, nous pouvons parler de la deuxième partie du film qui débute après un petit ventre mou de 20 minutes, seul réel point noir dans le rythme global du film. A l'occasion de ce qui sert de climax, nous retrouvons ainsi une composante narrative déjà utilisée à mainte reprise dans les précédentes œuvres d'Evangelion, à savoir la course vers le néant (qui était déjà la conclusion du film The End ainsi que celle du deuxième film Rebuild), dans un décor vide, illogique et irrationnel; belle mise en image de la situation psychologique des personnages, protagonistes comme antagonistes. En effet, poursuivant ce que le troisième film avait déjà initié, à savoir que ces personnages obsédés par leurs tourments perpétuent les mêmes actes, les mêmes erreurs, et ce en boucle, ne pouvant donc pas avancer, ce 4ème opus fait systématiquement échouer tous les personnages qui persistent dans leur obsession. Que ce soit Misato ne parvenant pas à faire son deuil, Asuka restant enfermée dans sa logique violente, solitaire et martiale ou Gendo s'enfonçant dans un plan toujours plus complexe, absurde et semblant sans fin véritable, tous échouent au moment décisif, et tous ne trouvent réellement la paix qu'en laissant de côté leurs traumatismes. Je parlais de boucle plus haut, ce qui permet de rappeler que la figure du cercle n'aura jamais été aussi envahissante dans Evangelion que dans ce film (ce qui n'est pas peu dire), par la présence de divers portails ou autres halos englobant l'écran et les protagonistes, de cet astre sphérique menaçant et planant au-dessus de ces mêmes protagonistes ou encore d'yeux particulièrement malsains. La manière dont Hideaki Anno conçoit l'obsession et donc moins la vision d'un mur empêchant d'avancer que celle d'une boucle faisant éternellement revenir chacun à son point de départ, ce qui s'illustre d'ailleurs dans les multiples cycles prophétiquo-apocalyptiquo-biblio-mythologiques qui continuent de s'amasser au fil des heures, confinant à un ridicule à mon sens parfaitement conscient de la part des réalisateurs. Ce développement thématique s'achève dans un final tout autant métaphysique que cryptique et visuellement inventif, Evangelion oblige. Cette ultime partie doit ainsi remplir la tâche on ne peut plus ardue d'offrir une conclusion non seulement à une saga débutée il y a 14 ans mais également à tout un univers bâti depuis plus de 25 ans. Tâche qui est, à mon humble avis, remplie haut la main.


Un élément que je n'ais toujours pas mentionné et qui me semble néanmoins essentiel quand on cherche à comprendre la démarche de la saga Rebuild, c'est en quoi les protagonistes, et plus précisément les pilotes, sont à bien des égards des représentations des "fans" de la licence, chose illustrée par le fait qu'ils ne grandissent pas et demeurent enfermés dans une petite bulle faite de robots et de monstres mythologiques. La vision que pose Anno sur ses propres admirateurs et sur ses personnages par la même occasion est en ce sens assez dure (ce n'est d'ailleurs pas pour rien que les Eva errant dans le monde corrompue se transforment en grandes figures sans tête). On comprend ainsi peut-être pour quelle raison la première partie est celle la plus propice à l'évolution des personnages, alors qu'aucun combat ne s'y trouve, et pourquoi la conclusion d'un affrontement final que l'on pouvait attendre comme dantesque et épique est en réalité un dialogue, une discussion entre deux individus qui n'ont jamais réussi à se confier, à l'autre comme au reste du monde. Le film nous dit, entre deux bastons de robots géants, que les personnages ne peuvent passer à autre chose qu'à la seule condition que les auteurs et le publiques eux-mêmes en fassent de même. L'ultime scène entérine d'ailleurs ce propos :


Evangelion, en tant qu'univers, disparait et les personnages se retrouvent dans le monde réel, adultes et libérés enfin de leurs tourments et de leurs malheurs.


Je conclurais en précisant qu'à ma connaissance, aucune licence populaire, peu importe sa nationalité, ne s'est jamais achevée en laissant à son spectateur le message de passer à autre chose, et de laisser ladite licence derrière lui. Je dois également admettre être curieux de l'effet qu'un tel propos peut faire à ceux ayant attendu cette conclusion 8 ans. Pour ma part en tout cas, c'est avec un immense sourire aux lèvres (quoique teinté de mélancolie) que j'ai accueilli le générique de fin.


Bien joué Evangelion.

Adarin
9
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le 16 août 2021

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Adarin

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