[publié en mars 2023, légèrement modifié le 23/11/2023]
EEAAO est un film de petit(s) malin(s). Le duo de réalisateurs a tout compris de l'air du temps et de ce qui allait faire ronronner de plaisir les critiques.
Premier ingrédient, la nostalgie. Corde exploitée jusqu'à la rupture par Netflix, elle prend ici la forme de références lourdement appuyées (2001, Wong Kar Wai, The Matrix...) et du casting d'anciennes gloires des années 80/90 (Michelle Yeoh de Tigre et Dragon, Ke Huy Quan d'Indiana Jones, Jamie Lee Curtis de Halloween). Cela permet à la fois de créer une connivence avec le spectateur et de le flatter en lui démontrant qu'il est cultivé. Futé. Sauf si le spectateur se rend compte que l'hommage ne suffit pas à se hisser à la hauteur du modèle.
Deuxième ingrédient, la roublardise "woke", à savoir dissimuler ce qui s'appelle en réalité le "marketing ethnique" sous un vernis progressiste. La commercialisation des bons sentiments. L'activisme, mais rentable. Ici on a droit à des personnages asiatiques et homosexuels - mais on va quand même se moquer d'un personnage en disant que c'est une homosexuelle refoulée, ce qui est quelque peu paradoxal quand on se veut "inclusif". Il est certain qu'il est plus flatteur de se dire qu'on fait avancer la représentation des minorités que d'avouer qu'il s'agit d'un argument marketing qui est, de surcroît, un avantage dans la course aux Oscars.
Troisième ingrédient, le mélange des genres. Ici on a à la fois un drame à la Sundance sur les problèmes de communication intra-familiaux entre Asiatiques et/ou Américains d'origine asiatique, et un film de science-fiction/kung-fu qui semble très inspiré de Rick et Morty (pour l'aspect comique absurde et survitaminé) et de The Matrix (pour l'aspect sérieux/philosophique).
La partie drame-familial-sur-fond-d'immigration est du déjà vu mille fois, par exemple avec The Farewell trois ans auparavant. Situer l'action dans une laverie amène une comparaison peu flatteuse pour EEAAO, avec un certain film de Stephen Frears qui parlait déjà d'homosexualité et d'immigration. C'est simple, au bout de 5 minutes d'exposition on a déjà compris tout ce qu'il y avait à comprendre, à savoir que la famille c'est bien, se dire franchement les choses c'est bien aussi et l'amour sauvera le monde, et tout le film ne sera qu'une laborieuse explication culminant en un final d'une niaiserie assez vertigineuse.
Pour l'aspect SF/kung-fu, c'est encore moins réussi. Les scènes de combat avec des objets du quotidien détournés et des vieillards qui se révèlent de redoutables combattants sous des airs de ne pas y toucher ? Tous les films hongkongais faisaient ça (en beaucoup mieux...) il y a 30 ans. Les touches d'humour ? Les réalisateurs en semblent si satisfaits, alors qu'il n'y a vraiment pas de quoi, qu'ils les repassent ad nauseam (les pierres qui parlent, les doigts en forme de saucisse...).
Quant au concept de multivers, en rendant lourdement démonstratif ce qui n'était que suggéré (les multiples possibilités d'une vie), est-ce que ce n'est pas l'anti-concept de cinéma par excellence ?