On finirait presque pas s'habituer à tout comme cette fâcheuse tendance à pondre au kilomètre des remakes de films d'horreur histoire de soit disant remettre au goût du jours les œuvres du passé. Pourtant quelques projets suscitent encore la défiance et la colère des fans les plus endurcis qui soudainement se réveillent de leur léthargie fataliste lorsque la machine à refaire embarque dans ses rouages un film dont le statut d'œuvre culte dépasse justement toute notion d'emprise du temps. Evil dead est donc un vieux machin qui date bien de plus de trente ans mais pour la plupart des amoureux dingues du film de Sam Raimi, l'opéra de la terreur reste encore et toujours une œuvre profondément et foncièrement moderne et novatrice. Aussi c'est la tronçonneuse entre les dents que les fans d'Evil dead (dont je suis) ont appris la mise en chantier d'un remake quand bien même celui ci se faisait sous le regard bienveillant et les cautions conjugués de Sam Raimi, Robert G Taper et Bruce Campbell. Des noms presque rassurants à condition d'oublier que Sam Raimi est loin d'être un gage de qualité en tant que producteur comme le démontre des films tels que Boogeyman, The grudge, Les messagers, Possédée ou Rise; tout comme Bruce Campbell d'ailleurs (Man with the screaming brain, My name is Bruce). Seul la présence du réalisateur uruguayen Fede Alvarez à la mise en scène laissait de marbre, le metteur en scène signant ici son premier long métrage.


Les éléments plus positifs vont pourtant assez vite venir rassurer les fans jusqu'à faire de ce Remake/Reboot l'un des films d'horreur les plus attendu du moment en 2013. Les soucis de Fede Alvarez avec la censure, les notes d'intentions du réalisateur, les promesses d'un film d'horreur premier degré, l'apparition d'une première bande annonce foutrement prometteuse et les premiers échos critiques positifs tout concordait soudainement à faire de ce remake un objet d'attention et de fascination pour les fans les plus radicaux du film original (dont je fais toujours parti). Il ne restait plus qu'à attendre le film pour se faire enfin sa propre opinion. Au bout du compte le film est il une vraie réussite à ranger du coté de Mother's day, Halloween I et II version Rob Zombie et La colline à des yeux version Aja ou une sombre bouse à mettre avec The fog, Vendredi 13, Freddy les griffes de la nuit et Hitcher dans une poubelle déjà bien remplie d'immondices ? Et bien ni l'un ni l'autre car Evil dead se classe plutôt dans la catégorie des remakes très honorables, bourrés de qualités mais qui ne parviennent jamais à faire oublier l'œuvre originale à causes de défauts particulièrement agaçants comme pour L'armée des morts de Snyder, Maniac de Khalfoun, Massacre à la tronçonneuse de Marcus Nispel ou La dernière maison sur la gauche de Dennis Lliadis.


Dans cette version 2013 de Evil dead nous suivons donc une jeune fille, ancienne toxicomane prénommée Mia venue avec son frère et quelques amis faire une cure de sevrage intensive dans une cabane familiale perdue tout au fond des bois. C'est dans cette cabane qu'ils vont trouver un étrange livre semblant servir pour des rituels de magie noire et de sorcellerie... Une fois ouvert et prononcé une formule incantatoire le livre va réveiller des forces démoniaques


Les premiers gros défauts de ce remake viennent presque tous de son écriture à commencer par un prologue totalement inutile montrant un père luttant contre sa fille possédée dans le sous sol de la cabane. Volonté de commencer par une séquence choc, tentative bancal d'apporter un passé à la fameuse cabane ? Toujours est il que cette séquence bien peu convaincante place d'emblée Evil dead sur de drôles de rails. Ensuite difficile de ne pas tiquer devant la platitude et le manque de caractérisation des personnages alors que paradoxalement Fede alvarez et son co-scénariste Rodolfo Sayagues tentent de leur donner très artificiellement de l'épaisseur. L'addiction de Mia est dans un premier temps un élément vraiment positif, le comportement étrange, les visions et les troubles de la jeune femme fraîchement possédée pouvant sembler être des effets secondaires de son sevrage. En revanche les relations entre Mia et son frère autour de la question de leur mère malade ne servent strictement à rien, tout comme cette histoire d'amitié contrariée entre Eric et David. Même si le personnage de Mia ,interprétée avec pas mal de panache par Jane Levy, est clairement le rôle principal du film, difficile de ne pas se hasarder à une comparaison entre David (Shiloh Fernandez) et Ash (Bruce Campbell) les deux personnages possédant une place assez similaire dans les deux films. Sans aucunes surprises Shiloh Fernandez n'atteint pas un centième du charisme de malade de Bruce Campbell et incarne un personnages assez désespérément plat et mou du genoux. Quand au reste du casting il est malheureusement du même acabit et difficile de faire surnager un personnage entre Eric le chevelu à lunette (Lou Taylor Puci) et Olivia la gentille caution médicale de l'entreprise ( Jessica Lucas). La palme du rôle en carton revient tout de même à l'insignifiante et absolument transparente blonde de service interprétée par Elizabeth Blackmore. Certes les personnages du premier Evil Dead n'étaient pas d'une grande richesse psychologique mais j'ai la sensation qu'ils marquaient bien plus durablement les esprits.


Mais les personnages sont loin d'être le seul point faible du film de Fede Alvarez, car si le jeune réalisateur connait visiblement par cœur le film de 1982 et qu'il lui livre un hommage sincère et intègre tout en se ré-appropriant l'univers de Sam Raimi, on pourra en revanche rester perplexe face à certains choix pas toujours très heureux. Fusil à pompe, tronçonneuse, route coupée, arbres violeurs, esprit enfermé dans le sous sol, incantation de magie noire, membres possédés, caméra voltigeant dans les sous bois... Tous les ingrédients qui ont marqués une générations entière de fans de films d'horreur sont bels et bien là mais au détour de séquences qui souvent ne fonctionne pas de manière aussi forte que dans le film d'origine et ne sont là que pour remplir la liste du fanboy de service. Je commencerais par évoquer l'incantation qui libère les esprits, dans le film d'origine c'est une vieille bande magnétique que les protagonistes écoutent avec curiosité et incrédulité alors que dans cette version 2013 on se retrouve quand même avec un mec qui fait des calques pour lire dans le bon ordre une suite de mots pour finalement réciter une formule dans un livre sur lequel est inscrit en première page « Surtout ne lisez pas ». La célèbre scène du viol par des branches d'arbres est elle aussi fatalement présente mais une nouvelle fois arrangée de manière pas très heureuse. Pourtant tout commence très bien en montrant la malheureuse Mia dont on ne sait pas si elle s'empêtre elle même dans les branches en paniquant pour essayer d'en sortir ou si ce sont vraiment les branches qui comme des lianes la retienne prisonnière, puis apparaît assez bizarrement un esprit qui vomit une sorte de tentacule turgescente qui se glisse dans l'intimité de la jeune femme un peu comme dans un hentaï japonais. D'un seul coup la séquence perd en folie, en perversion et limite en crédibilité dans un soucis de surenchère assez inutile. On pourrait encore ajouter le mode de contamination proche de celui des zombies qui est bien loin de la folie qui semblait s'emparer inexorablement des personnages du film de Raimi et certaines idées comme la cérémonie de résurrection qui ne fonctionne pas totalement à l'écran. Très énervante également cette façon de prendre le spectateur un pour un imbécile incapable de suivre une histoire en truffant le récit de retour sur des éléments passé; David touche le poteau calciné dans le sous sol et bim un plan de la fille brûlée vive histoire de bien comprendre que c'est la même cabane, David enterre Mia et bim un plan sur le livre des morts pour ceux qui aurait oublier qu'il tente le rituel de résurrection, un plan du livre des morts expliquant le rituel du feu et bim en fond sonore la reprise du prologue pour bien comprendre que c'est ce que tentait de faire le père de famille.... Et puis le gentil toutou qui disparaît, franchement niveau ajout crétin on tient ici la palme de l'inutile.


Pourtant difficile de vraiment rejeter en bloc cet Evil dead version 2013 car le film de Fede Alvarez possède également de nombreuses qualités à commencer par le fait de proposer un spectacle horrifique radical et tout ce qu'il y-a de plus premier degré. Loin des débordements gores et cartoonesque des Evil Dead 2 et 3 et loin de la folie qui fait parfois passer aux yeux de certains le premier volet pour une comédie, le film de Alvarez est un film d'horreur pur et dur comme ils est objectivement de plus en plus rare d'en voir. Même si il privilégie l'effet choc et le gros gore qui tâche à la peur difficile de rester totalement de marbre devant le spectacle proposé. L'horreur montré dans le film est souvent douloureuse et certains effets feront grimacer d'effroi plus d'un spectateur capable d'avoir une projection mentale de la douleur infligée par une langue coupée en deux au cutter, une aiguille enfoncée près du globe oculaire ou encore une serpe venant vous entamer la chair du genou. Evil dead nous offre également de nombreuses séquences à la fois morbide et malsaine comme la scène assez éprouvante de la salle de bain, l'étreinte saphique et sanglante entre Mia et Natalie dans la cave ou encore le visage ricanant de Mia alors que David est en train de l'enterrer vivante. Quand au final sous une pluie battante de sang il est à la fois excessif, épique et étrangement poétique jusqu'à un affrontement finale à coup de tronçonneuse dans la gueule d'une rage viscérale qui fait pour le coup franchement plaisir à voir.


Techniquement le film de Fede Alvarez est également une vraie réussite proposant une véritable et belle ambiance horrifique. Il faut donc saluer pour commencer la superbe photographie de Aaron Morton et surtout la musique anxiogène de l'espagnol Roque Baños ( Balada triste – Fragile – The machinist) avec ce bruit de sirène terrifiant très Silent Hill apparaissant sur divers compositions. Pas de doutes possibles Evil Dead est un film qui a de la gueule et si Fede Alvarez filme de manière sèche et puissante il conserve une approche assez classique de la mise en scène, en tout cas bien loin des nouveaux critères pseudo-branchés de l'horreur avec shakycam et montage épileptique post- Saw. D'ailleurs il y-a une volonté très attachante de ne surtout pas enfermer ce nouvel Evil dead dans des critères visuelles et scénaristiques propres à une époque bien définie. L'histoire pourrait très bien se dérouler dans les années 80 et la patine même du film semble vouloir refuser de répondre à des critères de mode comme l'atteste l'utilisation d'effets spéciaux essentiellement traditionnels, mécaniques et non numériques et rien que ça , ça fait vraiment plaisir. Le film s'inscrit également pour le meilleur comme pour le pire dans une approche assez réaliste de l'horreur et des événements à l'image des possédés du film qui sont bien loin des figures grotesques et excessive du film de Raimi. Pourtant et assez paradoxalement les possédés du film de Fede Alvarez, dont le look est un mélange entre une image classique héritée de L'exorciste et un visuel plus influencé par les fantômes des films asiatiques, font moins peur que les visages grimaçants et les orbites vides du Evil dead d'origine. Car incontestablement ce qui manque le plus au film de Alvarez c'est cette folie constante qui faisait que le film de Sam Raimi semblait lui même posséder tout entier par une force occulte et étrange. Le Evil dead de 1982 est peut être bien moins réaliste, plus bancal dans ses effets spéciaux un peu bricolés, plus grotesque dans son approche de l'horreur mais il reste beaucoup plus flippant que cette nouvelle version. Peut être tout simplement parce que la folie imprévisible des événements et la puissance de la mise en scène totalement inventive et novatrice de Sam Raimi mettait bien plus mal à l'aise le confort du spectateur que le classicisme du film de Fede Alvarez.


Au bout du compte le remake de Fede alvarez laisse un sentiment paradoxal et mitigé, celui d'un bon film que l'on a pas vraiment envie de défendre et celui d'un remake décevant que l'on a pourtant pas du tout envie de descendre. Si cet Evil dead version 2013 reste très en dessous de son modèle et même des espoirs provoqués par sa bande annonce il n'en reste pas moins un bon film d'horreur.

freddyK
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le 25 août 2019

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Freddy K

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