La vingtaine à peine entamée, Sam Raimi accédait à la postérité en un petit film : Evil Dead. Sous ses dehors fauchés avec son budget loin du million symbolique, l’exercice du long-métrage représentait toutefois un défi autrement plus conséquent : avec le concours d’acolytes de longue date, le court Within the Woods se mua ainsi en un monument de l’épouvante malicieuse, le brillant réalisateur en devenir faisant alors l’étalage de son ingéniosité et imagination.
Chose paradoxale s’il en est, Evil Dead s’arroge un charme contredisant à l’envie son goût pour le morbide sanguinolent, comme si son jusqu’au-boutisme cradingue et halluciné nous happait de concert avec Ash. Son statut de film culte fait donc plus que se deviner : il s’affirme en nous sautant littéralement à la gueule, ses 80 minutes de pellicules en paraissant davantage, comme si cette nuit d’horreur n’en finissait pas. C’est dire tout le génie d’une équipe ayant fait beaucoup avec peu, la maigreur de ses moyens transparaissant d’un bout à l’autre sans que cela ne soit rédhibitoire.
C’est même tout le contraire, le fameux « charme » d’Evil Dead émergeant dans le sillage d’une identité visuelle et atmosphérique aussi bancale que délicieuse : la bicoque vétuste à souhait, une forêt dépenaillée renforcée à grand renfort de volutes brumeuses accessoires et, enfin, ses maquillages divers dans leur déliquescence, de la simple possession criarde à la résurrection putréfiée. Malgré un démarrage propice aux doutes du spectateur, le récit prendra rapidement ses marques (et nous avec) en préfigurant (Cheryl, prédisposée de son état) puis précipitant des événements plutôt imprévisibles.
Certes, la logique à l’œuvre sera malmenée, voire inexistante, de sorte à dresser Ash en dernière proie d’une bande d’esprits cruels, mais là n’est pas la question : en multipliant des « assauts » tous plus pervers les uns que les autres, Evil Dead poussera lentement mais sûrement son personnage phare aux confins d’une folie grisante, du genre de celles qui s’affranchissent de la frousse initiale. Et que dire que c’est contagieux, à raison de plus qu’un humour noir comme pas deux prendra ainsi ses quartiers, illuminant l’ensemble d’une tonalité nouvelle à l’approche de l’aube tant espérée.
En dépit d’une réputation telle que des suites, remakes et déclinaisons continuent de voir le jour, Evil Dead parvient donc à nous surprendre en bien : car par-delà les évidences, aussi osées seraient-elles (le viol forestier en tire une couche), il ne ressemble à pas grand-chose d’autre. Au point de nous satisfaire sans jamais (ou presque) nous faire vraiment peur, celui-ci préférant instaurer une tension gourmande en temps morts gênants… jusqu’au grand final, ses litres et ses litres de faux sang et son ultime sursaut horrifique dynamitant un cauchemar à nul autre pareil.