La légende arthurienne selon John Boorman en 1981

Après avoir vu hier "les Chevaliers de la table ronde", aujourd'hui je m'attaque à "Excalibur" réalisé par John Boorman en 1981 soit presque 30 ans plus tard. Largement, une génération plus tard avec entre les deux, d'autres visites du mythe, irrévérencieuses ou pas.


Quand j'avais vu "Excalibur" au cinéma à sa sortie, j'en étais sorti émerveillé, les yeux et les oreilles saturées d'images et de sons. Evidemment, à chaud, je me souviens très bien que c'était "le" film sur le mythe… Il enterrait derechef le film de Thorpe.
Quarante ans plus tard, je suis légèrement plus nuancé et pense que les deux films ont leurs qualités et leurs défauts…


Comme celui de Thorpe, le film de Boorman s'inspire de la même source, la fameuse compilation de Thomas Malory au XVème, "le Morte d'Arthur".


Mais les deux réalisateurs n'en tirent pas la même chose. Alors que Thorpe se cantonne prudemment sur une vision très chrétienne avec, quand même, la présence, ripolinée, de Merlin et de la fée Morgane, Boorman n'hésite pas à creuser un peu plus le mythe et à expliquer la genèse de la présence des magiciens et fées, l'origine d'Arthur et le progressif effacement de la mythologie celtique au profit de la religion chrétienne.
Même si Boorman extrapole un peu les enjeux politico-religieux mais au point de nos connaissances du mythe, ce n'est vraiment pas très grave.


Surtout, Boorman approfondit le mythe en transformant l'histoire d'Arthur en un long apprentissage où il commence par devenir roi et finit par être un homme accompli. Il va plus loin en faisant concevoir, grâce aux pouvoirs magiques de Merlin, Arthur dans une scène d'amour entre Uther Pendragon et Ygraine l'épouse de son pire ennemi. Le fils illégitime, Arthur, devient alors le possible ciment entre deux tribus rivales et la possibilité d'une paix.


Ce que j'aime beaucoup, c'est la conclusion intériorisée (pas mieux comme adjectif, peut-être philosophique, pourquoi pas) où la quête du Graal se révèle être la réalité du Roi, de l'homme et de la terre. La quête du Graal perd son caractère mystique et chrétien pour devenir concrètement la recherche des éléments qui constituent le pouvoir royal (ou peut-être aussi la conquête de la paix). En cela, "Excalibur" prend une dimension supérieure aux "Chevaliers de la table ronde).


Mais ce qui m'impressionnera toujours dans ce film, c'est le choix de la musique de Wagner qui appuie puissamment les moments clés du film :
Chaque mouvement important de l'épée "Excalibur" est mis en œuvre avec la puissante "marche funèbre de Siegfried" (extraite du Crépuscule des Dieux). La plus belle des scènes étant la restitution d'Excalibur à Arthur par la Dame du Lac qui redonne une chance à Arthur, malheureux d'avoir brisé l'épée lors de son duel contre Lancelot.
L'émouvant et non moins puissant prélude de "Tristan et Isolde" à chaque rencontre entre Lancelot et Guenièvre, que ce soit la première fois lorsque les deux personnages échangent un regard ou surtout lors de la scène très onirique et très belle où les deux amants s'unissent sous le regard de Merlin et d'Arthur.
Un extrait du prélude de "Parsifal" accompagne évidemment la découverte du Graal par Perceval. Ceci allait de soi.
Par contre, c'est les Carmina Burana de Carl Orff qui accompagnent Arthur dans sa dernière bataille … C'est pas mal mais j'aurais bien vu encore un petit coup de Wagner.


Du casting, je n'en dirai pas grand-chose dans la mesure où je ne connais pas les acteurs en majorité britanniques ou si peu (à part Liam Neeson, bien sûr).
Mais ils sont tous excellents, parfaitement investis dans leurs rôles. Un rôle complexe comme celui d'Arthur est parfaitement tenu par Nigel Terry.


Au final, entre le film de Thorpe et celui de Boorman, je dirais qu'il n'y a pas de doute. "Excalibur" donne une dimension puissante à la légende tandis que la vision de Thorpe ne dépasse guère celle, excellente bien sûr, d'un beau film d'aventures. Les choix musicaux wagnériens de Boorman accentuent l'aspect mythologique de la légende.
Un petit regret chez Boorman c'est la tendance aux images un peu gore. Était-ce vraiment nécessaire ?

JeanG55
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le 1 févr. 2022

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JeanG55

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