Après quelques déceptions comme Prometheus ou Cartel, Ridley Scott abandonne les Romains de son Gladiator et les chevaliers de Kingdom of Heaven pour continuer son périple historique en faisant un petit détour par l'Ancien Testament. Après avoir beaucoup pris à Anthony Mann avec La Chute de l' Empire romain de 1964 et Le Cid de 1962, il va prendre son inspiration du côté de Cecil B. DeMille et ses Dix commandements de 1955, rien moins que cela. Le réalisateur revient sur l'histoire d'un homme qui osa braver la puissance de tout un empire. Il entame ainsi en 2014 une nouvelle vision de l'histoire de Moïse, leader insoumis qui défia le pharaon Ramsès en entraînant des milliers d'esclaves dans un périple pour fuir l'Égypte et rejoindre la Terre promise. Après le magnifique Gladiator en 2000 et malgré l'échec du génial Kingdom of Heaven en 2005, Ridley Scott rappelle qu'il est le maître en la matière. Il faut oublier la version plus classique du chef d'oeuvre des Dix Commandements de Cecil B. DeMille. Exodus : Gods and Kings n'est pas un remake mais bien une nouvelle fresque historico-biblique façon Ridley Scott. De manière très intelligente, le réalisateur n'est pas tombé dans la facilité . Ici, Dieu n'est pas le gentil et les Égyptiens ne sont pas les méchants. Ridley Scott fait un choix : celui de représenter Dieu à l'image des hommes . Il est ainsi faible par ses choix guerriers et inhumains mais aussi capable du pire pour accomplir ses objectifs. Moïse est un homme torturé entre sa foi et sa morale. Deux questions restent pourtant en suspens : où est le bâton de berger de Moïse qui est ici remplacer par une épée et quel est l'intérêt du rôle de Sigourney Weaver . Avec un budget de 140 millions de dollars, Ridley Scott s'attaque à un monument biblique et cinématographique . Il nous sert un film sacrément gigantesque avec quand même 1300 scènes d'effets spéciaux. Il va essayer de nous faire comprendre le dessein de Dieu représenté par un enfant aux allures de Dalaï-lama. Lorsque les dix plaies d'Égypte s'abattent à l'écran, on a le droit à une orgie visuelle littéralement matérialisée par des crocodiles se dévorant entre eux au milieu d'une grosse flaque de sang dans le Nil, des grenouilles, des grelons... Ridley Scott pose de vraies questions et réflexions autour de la foi. Qu'est ce qu'elle peut nous pousser à faire ? Il nous transporte littéralement en Égypte ancienne à travers une magnifique reconstitution, tant au niveau des décors que des costumes. Visuellement c'est du très grand art, tout est maîtrisé et sublimé à travers chaque plan qui fourmille de détails, tant dans les intérieurs que les extérieurs tous magnifiques. Son travail sur le numérique et les décors naturels est parfait. La meilleure partie est sans conteste cette restitution des fameuses 10 plaies d'Egypte. La scène des crocodiles en frénésie sur le Nil est à la fois belle et terrifiante. Quand j'ai découvert ce nouveau projet, j'ai tout de suite pensé au film de Cecil B. DeMille et j'ai eu peur de la comparaison possible. Exodus raconte le parcours spirituel de Moïse. Cette histoire épique commence avec une première bataille spectaculaire contre les Hittites très bien mise en scène. La forme s'équilibre remarquablement bien entre de fastes décors et des trucages à l'envergure impressionnante permis par la technologie numérique. La photographie de Dariusz Wolski sculpte finement les détails de l'image. La tant attendue scène du buisson ardent sur le mont Sinaï est pourtant loin du faste scintillant de la version d'origine. Ridley Scott convoite l'intime de la séquence avec une poésie étonnante. "To my brother, Tony Scott" est la conclusion du long métrage, rendant hommage à son frère metteur en scène du génial True romance Tony Scott disparu trop tôt. Ce témoignage d'un frère à l'autre dans ce film est vraiment significatif car il met justement en scène une relation fraternelle. Exilé du royaume d’Egypte, Moïse rencontre Dieu et décide de retourner libérer les esclaves hébreux. Le pharaon refuse d’abord de s’exécuter mais se ravise après avoir subi les fameuses dix plaies d’Egypte . Moïse conduit alors son peuple vers la Terre Promise en traversant la mère Rouge. Cette cité de Memphis , que ce soit côté palais ou côté population , tout est magnifique. Cette immense carrière fournissant les pierres de la ville ou les paysages désertiques environnant, tout est superbement filmé. Un gros boulot a aussi été accompli sur les costumes et les maquillages. On a aussi droit à une chouette scène de bataille où le futur prophète sauve la peau du pharaon. Il reste à parler de Christian Bale, impeccable comme souvent et parfait dans son rôle de prophète malgré lui. Il est impossible de compter le nombre de plans à tomber par terre. Ridley Scott nous procure un pur émerveillement car ils sont tous sont pensés comme des tableaux. Il faut quand même signaler que l' on ne voit pas la scène quand Moise est bébé sur le Nil ainsi que toute la partie ou il est dans le palais à transformer son bâton en serpent . Ca peut frustrer un peu mais, d'un autre côté, ça permet de redécouvrir l'histoire. La scène de la traversée de la mer rouge complètement diffèrente de l'originale est suivie d'un tsunami impressionnant. Pourtant, Exodus : Gods and Kings est vraiment épique. Ce genre de film est trop rare pour ne pas en profiter. Dès les premières minutes, la maîtrise technique frappe. La réalisation est soignée et méticuleuse autant dans les scènes de batailles géantes aux plans larges et aériens incroyables de beauté que pendant les scènes de dialogues. En regardant ce type de films assez longs, il faut sentir le temps qui s’écoule et voir les personnages vieillir. Dans Les dix commandements de 1955, à partir du moment où Moïse embrassait sa destinée de prophète ,après l’épisode du buisson ardent, il perdait toute humanité pour devenir un véritable robot, acceptant aveuglément tous ce que faisait son Dieu, les massacres par exemple . Chez Ridley Scott, Moïse est dans une perpétuelle attitude de doute et même d’insoumission face à ce dieu vengeur. Ce dernier est d’ailleurs intelligemment représenté sous les traits d’un jeune enfant plus soucieux de se venger de l’Egypte que de sauver son peuple . Avec Ridley Scott, nous avons le droit à une réflexion sur la violence façon Christopher Nolan et son The Dark Knight : Le Chevalier noir , un scénario fidèle à celui de Cecil B. DeMille et un Christian Bale qui garde son masque de Moise...façon Batman .

pasteque68
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le 12 mai 2019

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