Il est pas beau, mon vide !?!

Dans les années 1960, la rencontre du système hollywoodien et de John Cassavetes se solde par un échec. La ballade des sans-espoirs et Un enfant attend sont remontés par les producteurs et notamment par Stanley Kramer, poussant le futur auteur d'Opening Nights à s'épanouir pour de bon en cinéaste indépendant. Il va réaliser cinq films dans la maison qu'il partage avec sa femme Gena Rowlands ; le premier d'entre eux est Faces, tourné exclusivement en soirée, doté d'un budget dérisoire. Il sort en 1968 et est acclamé, allant jusqu'à être sélectionné aux Oscars.


La présentation est pittoresque et sans accrocs, de très beaux jeux de lumières se succèdent et surtout le métrage est écrit cette fois, préparé, minutieux et même répété à maintes reprises avant de laisser-aller la spontanéité. Contrairement à son premier essai Shadows (en 1959), Faces est conçu dans l'effort d'un 'vrai' film, c'est-à-dire canalisé un minimum en amont. Il n'en demeure pas moins libre. Malheureusement cette originalité de Cassavetes s'applique à des umbroglio de couples petits-bourgeois sous amphétamines. Nulle cassure avec l'orientation générale de son œuvre, au contraire c'est l'une de ses variantes les plus jusqu'au-boutistes et donc, à l'aune de sa démarche, les meilleures.


À force de donner l'exclusivité au petit registre de l'émotionnel dans un cadre immédiat, Cassavetes crée un spectacle oiseux au dernier degré. Il attend que ses personnages expriment ce que lui-même n'ose trop désigner ou définir ; ses vœux sont sans doute exaucés puisque le résultat est un magma d'états d'âmes et d'exclamations péremptoires, mourrant dans l'instant ou se suivant sans se grandir. C'est un happening de bobo punk aviné avant l'heure. Faces c'est un peu Qui a peur de Virginia Woolf avec ceux qui n'ont rien à dire et rien à comprendre, rien à faire, rien à être, mais tâchent de le démouler en prenant leur temps, se chamaillant, riant, s'exaltant pour rien ou presque, puis se sentant terrassés par quelques frayeurs.


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Autres films de Cassavetes :
1974 Une femme
1976 Meurtre d'un bookmaker

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le 6 avr. 2015

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Zogarok

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