FACTORY (15,2) (Yuri Bykov, RUS, 2019, 109m) :


Factory livre un haletant film de rapt nocturne sous la forme d'une lutte des classes sociale et d'une sévère parabole politique, par le biais d'ouvriers russes qui prennent en otages leur patron dans une vieille usine de métallurgie, près de Moscou.


Le talentueux metteur en scène russe Yuri Bykov, découvert en France en 2013 par le biais du nerveux The Major puis avec le brillant L'idiot, continue d'ausculter avec virulence les délitements et la corruption de la société soviétique avec son nouveau projet Factory. Un long métrage qui a été présenté et très remarqué lors du dernier Festival de film policier de Beaune 2019. Ce nouvel opus sans concession démarre comme un drame social avec l'annonce par un oligarque russe de la fermeture d'une usine plus assez rentable à des employés non payés depuis plusieurs mois. L'un d'entre eux révolté par cette annonce arbitraire, ancien des forces armées et borgne surnommé « Le Gris » à cause de son visage taciturne et sa gueule cassée, propose un stratagème de kidnapping à d'autres collègues, afin de soutirer une grosse somme d'argent à leur patron sous forme d'une rançon.


Le réalisateur d'entrée de jeu opère une pertinente mise en place des enjeux et des caractéristiques sociales de l'histoire. Yuri Bykov dévoile une magnifique mise en scène immersive très maîtrisée, avec de judicieux travellings latéraux à l'intérieur d'un huis clos, où les décors de l'usine offre une théâtrale atmosphère anxiogène dans la pénombre. L'auteur utilise sa caméra avec acuité au cœur de cet espace géographique oppressant, pour mieux décliner un malin récit tendu savamment construit où le scénario dévoile de nombreuses ambiguïtés.


Un sombre polar hargneux qui ne manque pas de scènes de multiples tensions et d'actions (notamment une tentative de prise d'assaut absolument remarquable), mais s’arc-boute parfois trop sur une narration bavarde et un peu manichéenne, pour dénoncer de façon abrupte et « anticapitaliste » la précarité qui ravage les âmes. Néanmoins, la sidérante maîtrise formelle, les surprenants rebondissements psychologiques de l'intrigue à travers des ellipses et un montage sec, sans oublier les interprétations intenses de Denis Shvedov et Andrey Smolyakov, apportent de nombreux atouts à cette implacable tragédie cinématographiquement très réjouissante.


Venez plonger au cœur de l'efficace Factory, vous verrez la violente révolte humaine surgir derrière les machines, à broyer...Âpre. Nihiliste. Puissant.

seb2046
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le 28 juil. 2019

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