Fargo passionne parce qu’il ose peindre la violence sous sa couche joliment enneigée comme aseptisée par une société qui ne veut pas la voir : les policiers semblent errer de çà de là, passent leur temps à discuter autour d’un repas, les malfrats rejouer un duo comique bien connu ; entre ces deux pôles oscille un homme que les Coen affectionnent particulièrement, un infirme-révolté incapable de s’élever au-dessus de sa condition mais dont cette dernière se reflète dans la neige environnante d’une manière si insupportable qu’elle déclenche en retour une prise de conscience et la ferme volonté d’y remédier. Pas de chance, notre anti-héros voit ses actions aussitôt anticipées aussitôt figées dans la glace, sur lesquelles il n’a plus aucun contrôle. Car la clef de la violence réside dans l’improvisation, dans l’instinctif, résulte de ruptures tonales que les réalisateurs cultivent si bien. En redéfinissant ainsi le polar, en le déplaçant depuis sa noirceur ambiante jusque dans les paysages enneigés du Minnesota, ils changent leur œuvre en monument d’absurde et d’efficacité que la série télévisuelle, quelques décennies plus tard, développera avec justesse.