"Ah ! Je ris, de me voir si belle en ce miroir !"
Comment ne pas succomber au charme du film, de l'opéra...
Le conte de Faust revisité par le maitre du Gothique, du mystique, FW Murnau.
Le film s'ouvre sur l'éternel débat divin à propos de la nature humaine : vertueuse, saine, bienveillante et croyante ou vicieuse, vénale, égoiste et avide de pouvoir ? Tel est le dilemme du film.
Faust devient sans le savoir l'objet d'une confrontation mystique entre le Bien, Dieu, et le Mal, Méphistophélès, le diable.
Faust le savant, l'homme de lettres, mais aussi homme de Dieu, face à la peste dévorante qui emporte les habitants de sa ville, ne peut rester inactif. Toute sa science, tout son savoir est inutile face à cette malédiction. Seule solution : le pacte avec le diable.
Celui-ci se met au service de Faust et en échange, le savant l'accueille dans sa vie. Et Faust, au départ si sage, est perverti par ce diable jusqu'au plus haut point : il tue un homme.
Mais Faust met surtout en scène les dilemmes moraux, les déboires d'un homme tiraillé entre ses sentiments et son intérêt propre, partagé entre ces pouvoirs fabuleux diaboliques et cette impuissante science humaine. Ne faut-il pas parfois savoir accepter le sort, la vieillesse, l'incurabilité de certaines maladies, la finitude de la vie ?
En vérité, ce film interroge aujourd'hui notre rapport aux forces supérieures, qu'elles soient religieuses ou technologiques. Car le Méphistophélès du XXIème siècle, n'est-ce pas l'intelligence artificielle ?
D'abord inoffensive, elle procure à l'individu de nouvelles facultés, améliore celles déjà existantes, lui facilite la vie. Puis elle prend petit à petit le contrôle du sujet qui devient victime jusqu'à ne plus savoir agir sans le soutien du diable...Méfions-nous....
Du point de vue technique et artistique, Faust est une prouesse, notamment avec les effets spéciaux autour de Méphistophélès, qui le rendent terrifiant (l'acteur est excellent) par de nombreux procédés de lumières et de costumes. Murnau joue sur les ombres, le montage, les compos pour créer un monde germanique moyenâgeux fantastique qui mêle le mystique à l'historique, de la geôle au bûcher en passant par l'affrontement des deux entités supérieures, l'invocation à la croisée des chemins (Parallèle : Œdipe tue son père à la croisée des chemins, Faust y abandonne Dieu le père pour se tourner vers le diable).
Un film très riche et puissant qui met en valeur le conte de Faust tout en innovant cinématographiquement, créant toujours plus de styles et de genres. Car c'est bien à Murnau que revient le titre de fondateur du film d'horreur, mais aussi du film mystique et gothique. Bravo !