J'aime beaucoup le cinéma de Aldrich (avec des exceptions) mais au vu de la réputation sulfureuse de ce film, j'avais tout de même quelques craintes. Néanmoins, je ne savais rien d'autre de ce film à part qu'il met en scène des lesbiennes. Avec le titre, j'ai osé m'imaginer un thriller dans un couvent, quelque chose d'un peu sale, un peu bizarre.


Je pense que Aldrich devait être conscient de ce que le titre impliquait vu la façon dont le film commence : une musique tonitruante sur une vieille femme qui marche dans la rue, l'air grave. En fait, il s'agit juste d'une vieille actrice, un peu poivrote, qui craint que les studios ne mettent fin à la vie de son personnage. Sister George, ce n'est pas une vraie bonne sœur, c'est juste un personnage fictif. Enfin, en fait, c'est bien plus que ça, c'est la raison de vivre de cette actrice.


Les thématiques m'ont beaucoup parlé : le rapport de domination-soumission, le monde artistique, les obsessions enfantines qui ne lâchent pas prise. Mais cela ne serait rien sans un bon scénario. Un scénario qui, ici, fait la part belle aux dialogues... et au femmes ! Un film où les trois rôles principaux sont donnés à de belles femmes d'âges différents. De par les longs dialogues, les scènes sont elles aussi longues et l'intrigue finalement assez minimaliste : il ne se passe pas grand chose dans "The killing of sister George", quelques conflits ici et là, et pourtant une sacrée tension au gré des répliques qui fusent.


Et puis des scènes mémorables aussi : la scène du cigare marquant par là la relative domination de Buckridge ; la scène de la poupée qui prouve que le prénom 'Alice' n'est pas anodin pour cette jeune femme ; une scène de sexe assez torride aussi ; et puis ces actrices, toutes incroyables, ayant bien compris qu'il s'agirait là du rôle de leur vie. Il y a aussi tout le sous-texte. Le mot lesbien n'est prononcé qu'une fois et pourtant on comprend très vite que toutes ces femmes roucoulent ensemble. De même que les poupées de Alice, son surnom Childie, son comportement enfantin quand on la gronde et sa frayeur avant d'entamer une relation sexuelle laissent supposer le pire sur son enfance, mais jamais cela n'est évoqué directement.


Côté mise en scène, Aldrich est nerveux, sale. Bien qu'il s'agisse d'une pièce de théâtre à la base, et que la majorité des scènes consistent à voir des gens assis en train de parler, le réalisateur fou parvient à dynamiser ses cadres, il rythme son film avec frénésie, ne laissant pratiquement aucun temps mort. L'aspect sonore plutôt bine travaillé, quoique certains sons en post prod ne semblent pas en accord avec le reste. Enfin, des actrices et acteurs époustouflants, capable de sortir toutes les couleurs d'un personnage avec aisance : ainsi on passe de l'horreur au rire en un clin d'oeil, sans problème de transition.


Bref, "The killing of sister George" est un sacré film ! Sans doute à classer du côté de "What ever happened to Baby Jane?", "What Ever Happened to Aunt Alice?" (produit seulement par Aldrich), "Hush, hush, sweet Charlotte" et peut-être d'autres que je n'ai pas encore vu (peut-être bien "The Legend of Lylah Clare" et "Autumn Leaves"). Aaaah, Aldrich, que j'ai hâte de découvrir tous tes films !


BONUS :http://image.noelshack.com/fichiers/2015/17/1429605787-the-killing-of-sister-george.jpg

Fatpooper
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le 8 juil. 2014

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