Si l'on s'amusait à condenser schématiquement "Fear Street" en un simple slasher fantastique à la durée normale de 1h30, les deux premiers opus en composeraient la première heure, arrivant au fameux point de bascule où une révélation capitale viendrait bouleverser les enjeux et donner une nouvelle grille de lecture pour espèrer en trouver la résolution. Et c'est exactement ce à quoi va servir ce nouveau retour en arrière auquel nous convie cette Partie 3, il n'est d'ailleurs pas ici question de quelques décennies comme dans le précédent mais bien de plusieurs siècles pour nous ramener là où tout a commencé : les origines de la malédiction de Sarah Fier en 1666 dans la petite ville d'Union, scindée à notre époque entre Sunnyvale et Shadyside. Grâce à l'astuce finale de la Partie 2, le visage de l'héroïne de 1994 devient ainsi celui de la future sorcière tout comme la plupart des habitants de ce coin isolé d'Amérique du XVIIème siècle sous l'emprise de la superstition religieuse vont également avoir les traits de tous les personnages majeurs croisés dans les autres films.
Ce que l'on avait aperçu de ce troisième opus comme avant-goût à la fin du deuxième pouvait laisser craindre que "Fear Street" allait tenter de singer "The Witch" en termes d'atmosphère, sacrifiant de fait le rythme soutenu et généreux de slasher qui avait prévalu jusqu'ici. Encore une fois, on avait encore sous-estimé les têtes pensantes de la saga car si, bien évidemment, ce nouveau cadre temporel va forcément obliger la narration à être plus posée et empêcher l'utilisation de certains subterfuges des deux autres opus (la B.O. en mode juke-box incessant laisse ici par exemple un total champ-libre à une très bonne partition de Marco Beltrami), cela ne va nullement empêcher de faire souffler un vent de modernité et de jeunesse très divertissant en cette triste année 1666 !
Bien loin d'une posture auteurisante (ça aurait été un changement aussi radical que bizarre), "Fear Street Part 3" s'empare des poncifs du bon vieux récit de chasse aux sorcières révoltante pour en faire des parallèles contemporains plutôt amusants (la fête dans les bois) mais principalement pour souligner les similarités entre la destinée dramatique de Sarah Fier et celle de l'héroïne de 1994 et enfin faire prendre une envergure beaucoup plus intéressante à la mythologie de la saga par un twist bien pensé (quoiqu'un peu prévisible au fur et à mesure que l'on s'en rapproche).
À travers ce bond dans le passé très réussi (oserait-on dire le meilleur ?), se dessine en effet un discours sur l'ostracisation de la différence qui n'a fait que se prolonger au fil des siècles grâce à ceux se jugeant les gardiens de la normalité mais usant de moyens qui n'y correspondent en rien pour la faire perdurer dans les apparences où ils se dissimulent. Finalement, même si les épisodes de 1666 et de 1978 auront réussi tragiquement à étouffer la voix des pré-freaks dans la violence, rendant par la même occasion les habitants d'Union eux-mêmes responsables de la malédiction qui les frappera durant des siècles, celle-ci ne pourra prendre qu'un point final avec l'avènement des héros/freaks de 1994, ayant désormais pleinement connaissance de l'engrenage qui cherche à les détruire et contre lequel ils vont se lever.


Boosté par la nouvelle mesure des événements, la trilogie "Fear Street" s'achèvera sur un combat final en forme de feu d'artifice, en écho à celui du premier film, mais où, cette fois, ceux qui avaient les rôles de victimes improvisées prendront leur destin en mains pour enfin tenter de renverser l'ordre établi. Multipliant les trouvailles en forme de rounds jubilatoires avec la galerie de tueurs mis en place, l'affrontement jouera pleinement sur notre attachement à cette équipe de bras cassés créée au fur et à mesure des films dans le but de les faire grandir une fois pour toutes au sein d'un savoureux cocktail de sourires, d'émotion et, bien sûr, d'exécutions en tout genre.


Leigh Janiak avait donc bel et bien gardé le meilleur pour la fin avec une troisième partie réussissant nettement à hausser le ton autour des fondations de son univers afin de nous emmener vers une ultime bataille condensant à peu près tout ce qui a fait notre sympathie pour cette trilogie durant trois semaines consécutives. Si les deux premiers films avaient fait office de cours de récréation nostalgiques revisitées avec modernité et où l'on avait plaisir à s'amuser, le troisième sera parvenu en outre à donner plus de sens et d'identité à l'ensemble et faire de "Fear Street" une saga qui, sans égaler les meilleurs représentants du genre, deviendra un nom que l'on citera sans rougir à l'avenir si l'envie nous vient de faire découvrir une proposition originale et contemporaine de slasher fantastique.

RedArrow
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le 16 juil. 2021

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