Film sur les amours délétères, interdits, et désespérés, Hideo Gosha termine sa carrière bellement. Sur la base d'une histoire marquée par sa simplicité, il exprime tout son talent à faire monter délicatement le désir, à nous exposer les personnages de différentes façons, apparaissant tour ou tour victimes et manipulateurs, à nous perdre un peu dans leurs motivations, pour finalement dévoiler son intention qui était en fait marquée à chaque image par cette sexualité dictant sa loi, brimée par les conventions. Même le cadre de la fabrication d'huile participe de cette atmosphère moite, sensuelle jusqu'à en faire perdre la tête (comme cette manière de filmer de biais ces nuques féminines, qui se dérobent à l'emprise des kimonos bien fermés).


C'est un réalisateur qui fascine vraiment par sa manière dont il est parvenu à se renouveler entre deux décennies qui n'ont presque rien à voir l'une avec l'autre. Et ce film représente un peu sa dernière vision et synthèse d'une oeuvre entière. Car le personnage qui incarne cet homme de basse classe est au fond le seul à être sincère dans ses sentiments (même l'âge n'a plus d'importance), rebelle et assumant sa bestialité jusqu'à un certain point (comme l'assassin de Hitokiri), tandis qu'il est jouet du désir féminin, d'autant plus lorsque les conventions sont fortes (il y a deux scènes qui me viennent particulièrement en tête : celles du mariage et de l'explication entre les deux femmes, où les apparences et la vérité s'entrechoquent de manière violente et subtile).


La réalisation aussi est très belle, et s'inscrit dans l'exacte continuité de Kagero, où on retrouve cette manière de filmer ces environnements précieux, ce vernis des apparences, et la sensualité à peine voilée qui monte peu à peu à travers des séquences qui virent parfois vers l'onirisme. Puis il y a peu de personnages, ce qui fait qu'on suit sans problème les tourments de cette relation qui se déroule à trois (voire à quatre), que l'on découvre sous tous leurs états. Un film peu connu de la filmographie de Gosha qui mériterait plus de reconnaissance et me donnerait presque envie de redécouvrir la seconde partie de sa carrière, si différente de la première, et qui m'avait surpris par une telle rupture esthétique et thématique (marquée par le passage d'une domination masculine à une focalisation essentiellement féminine), bien qu'on y retrouve cette même mélancolie et passion pour les sentiments humains versus la société et ses normes oppressives.

Arnaud_Mercadie
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le 21 avr. 2017

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