Surprenante cette association entre deux registres pas forcément très proches, le western et la screwball... Mais western avant tout, et relativement classique qui plus est, forcément, en 1939 : aussi on a droit à absolument tous les clichés incontournables du genre, bastons, saloon, fusillades, pan pan, bref tout ce qui ravira les aficionados de ce cinéma et qui exaspèrera les autres dont je fais partie. Malgré tout, l'effet étonnant de cette hybridation entre deux genres permet au western d'être servi par des dialogues extrêmement percutants, vifs et ciselés, chose relativement rare à mes yeux. Ça n'affecte aucunement le niveau de bagarre et de démonstration de force virile, mais ça a l'avantage de rendre certaines altercations avec Marlene Dietrich ou James Stewart plus drôles et travaillées que la moyenne. Même les caricatures de méchant (Brian Donlevy en tête) en sortent grandies, puisqu'il y a déjà une forme de second degré, en tous cas de distance prise avec les stéréotypes — le méchant se fout de la gueule du gentil car il n'a pas de flingue, et le gentil démontrera sa supériorité aux armes vers la fin, après une longue attente, dès qu'il posera ses mains sur deux pistolets, comme ça, l'air de rien.
Personnellement le fond de l'histoire ne m'a pas trop passionné, le gang des méchants qui triche au jeu pour spolier les fermiers du coin, le nouveau shérif adjoint qui débarque en ville pour épauler le shérif alcoolique... Un tableau de la corruption pas hyper finaud, même si le point de singularité tient au fait que le protagoniste entend faire respecter la loi sans arme (et donc sans coup de feu). Je suis toujours aussi sensible aux grossièretés scénaristiques de l'époque, résumées en une séquence à la fin — Dietrich se jette dans les bras de Stewart pour prendre à sa place la balle de Donlevy, tout cela est hyper caricatural et pas hyper bien mis en scène... Il n'empêche que c'est un western qui a compris qu'il y avait quelque chose à faire du côté (du problème) de la concentration excessive de couilles dans le registre, et qui s'autorise une dernière phase assez burlesque avec une armée de femmes débarquant au milieu des belligérants pour les faire arrêter de se tirer dessus, avant d'aller assommer tous les bad guys à coups de rouleau à pâtisserie. En revanche, la romance entre les deux stars ne m'a jamais touché, c'est bien dommage. Et puis si la morale était de célébrer la non-violence (au travers des aspirations du personnage principal), c'est plutôt raté puisque à la fin le méchant est tué. On se rappellera davantage la scène de baston au féminin impliquant Dietrich...
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