10 à la maison

Contrairement à ce qu'on dit un peu partout, Fighter n'est pas un film de boxe, et encore moins un film sur la boxe. A la rigueur, un film avec de la boxe, oui. Mais comme on est chez David O. Russell, on a avant tout affaire à un film de personnages et d'acteurs mus par les rouages humides du mélodrame familial. Chaque pion sur l'échiquier se coltine son lot de traumas, de regrets, de blessures cachées.

Russell s'amuse à faire bouillir ce noyau familial plutôt bondé en exploitant un matériau potentiellement riche, à savoir la véritable histoire de deux demi-frères qui ont marqué chacun à leur façon l'histoire de la boxe. En confrontant les egos, en disloquant petit à petit l'apparente unité de la famille, le scénario explore ainsi des thèmes chers au réalisateur (rédemption, abnégation) et le fait d'autant plus efficacement qu'il installe l'émotion sans trop appuyer, dans un crescendo assez adroit.

Inutile de préciser que c'est sa grande force, car on reconnait là l'une des marques de fabrique de la méthode Russell. Fighter a beau charrier une montagne de défauts, choisir parfois la facilité au détriment de l'originalité, n'empêche qu'il est imparable. Difficile de ne pas se laisser emporter malgré cette exposition un peu plan-plan, des scènes de combat qui manquent d'intensité et de crédibilité, et une BO qui de temps à autre donne l'impression d'être en mode aléatoire sur Deezer.

Grand mérite en revient aux acteurs, désarmants de naturel et vrais piliers du film. Pourtant il y a d'abord de quoi craindre que Bale nous serve un one man show de grimaces et de TOC ou que Melissa Leo finisse dévorée par sa perruque, mais rien de tout ça, leur talent s'impose naturellement - en particulier Bale, encore hallucinant.

On n'en sort pas KO, loin de là, mais Russell a définitivement l'art de nous pousser dans les cordes.