Je fais une cure de Robin Williams depuis quelques semaines, et même après avoir épuisé pratiquement tous ses films les plus réputés, je continue malgré tout. Il m’en faut encore plus. Je sais que je ne vais plus tomber sur des films comme Hook, Jumanji, Le cercle des poètes disparus, … mais si je peux trouver encore un peu de l’interprétation brillante de Williams dans d’autres de ses rôles, ça me fait continuer.
Et c’est ainsi que je me retrouve à voir The final cut, un thriller pas très tentant, mais bon, on sait jamais…
Le pitch avait de quoi intriguer. On y retrouve une idée qui évoque fortement Strange days (injustement méconnu), sorti neuf ans plus tôt : dans le futur, on a la possibilité de se faire poser un implant pour enregistrer ses souvenirs. Et à la mort du porteur, un Monteur en tire une vidéo, diffusée à l’enterrement.


Omar Naïm, réalisateur et scénariste de The final cut, essaye de développer quelque peu son univers ; on trouve par exemple des manifestants qui luttent contre ces implants "Eyetech"... ils ont tous des tatouages hideux sur le visage, censés interférer avec leur implant.
Mais bon sang, qu’est-ce que le développement du concept de départ est bâclé !
Le film ne prend pas la peine de nous expliquer quoi que ce soit sur l’implant, sur son utilisation, sur tout le processus d’installation, sur le coût, …
On nous expose uniquement les trois règles du Monteur en début de film, qui évoquent l’implant "Zoe", les "rememory", … et ce avant que le spectateur ne sache à quoi ça correspond, donc il n’en retient rien.
Et malgré tout le manque de détails, dès le départ il y a eu une multitude d’incohérences qui m’ont gêné.
Le fait que l’implant soit posé sur un bébé dès sa naissance m’a déjà paru absurde. Et à défaut d’avoir des explications précises, je dois m’appuyer sur ce qu’ai déduit à partir de ce qu’on nous fait voir : l’implant enregistre l’ensemble de la vie de quelqu’un… et tout ça pour une vidéo d’1h30 que ses proches vont regarder à son enterrement ?
Enfin le film ne nous montre aucun autre usage légal pour ces souvenirs, donc j’imagine que le montage final est leur seule utilité.
Ce n’est même pas comme si les gens choisissaient les moments qu’ils voudraient enregistrer, non, car le Monteur se retrouver à voir tout, même les souvenirs les plus intimes et les plus glauques.
Qui accepterait ça ?
Alors apparemment des gens ont un implant à leur insu, ce que je trouve encore plus saugrenu.
Et ça soulève encore d’autres incohérences : à la fin il y a des gens payés pour parcourir toute une vie de rushes ? Pour une simple vidéo-souvenir ?
En fait plus on en apprend sur ce concept, plus ça semble con.
La station du montage crée automatiquement des catégories en fonction des thèmes, ce que je trouve déjà bête, mais pourquoi est-ce que l’ordinateur n’épargnerait pas simplement au Monteur les phases "sommeil" ou "masturbation", s’il peut les détecter ? Pourquoi les enregistrer, déjà ?
Bon je m’arrête là avec les incohérences de ce genre, parce qu’il y en a pendant tout le film.
(à noter qu’il n’y a rien de tout cela dans Strange days, où on enregistrait ses souvenirs à volonté, comme on le ferait avec un caméscope, de sorte que n’importe qui puisse visionner ensuite mais aussi vivre les mêmes ressentis).


Le héros est Alan, un des meilleurs Monteurs apparemment ; il est habitué à s’exposer aux moments les plus sombres de la vie des autres, et à en tirer une vidéo mensongère, qui ne garde que le meilleur.
Son dernier boulot concerne un employé important d’Eyetech, dont les souvenirs sont convoités par un groupe anti-implants, qui aimeraient dévoiler les évènements les moins reluisants de sa vie.
Et dans un même temps, Alan recherche une figure enfouie de son enfance.
J’avais des doutes concernant la cohabitation des deux intrigues, mais pourquoi pas… sauf qu’aucune des deux histoires n’avance. C’est très frustrant, au bout d’1h j’avais toujours l’impression que le film n’avait pas encore commencé !
Je n’ai pas compris ce que cherchait à faire le héros.
Il respecte le code des Monteurs, il fait son boulot sur le type d’Eyetech et s’abstient de regarder certains passages sordides de sa vie, de sorte qu’on se doute que ses souvenirs cachent quelque chose de bien malsain, sans que nous ni Alan n’ait la confirmation. Et pourtant, le personnage va quand même poser des questions à la famille, tourne autour du sujet, et puis laisse tomber.
On a un héros pas bien décidé à remuer la merde, à faire bouger les choses. Un héros passif !
Mais dans un même temps, il s’achète un flingue, on ne sait pourquoi. Ca n’a aucun sens !
Et je ne sais pas, entre les deux intrigues évoquées, laquelle a la conclusion expédiée la plus navrante.
D’un côté, on a ce client qui a peut-être été un détraqué sexuel, on n’en saura rien, et Alan semble s’en foutre.
Et de l’autre, on a ce twist complètement bidon. L’idée de faire jouer les défaillances de la mémoire dans l’enquête était une super idée, le héros aurait par exemple pu, en fouillant ses souvenirs, découvrir un détail décisif à côté duquel il serait passé, lors d’un événement qu’il a pourtant vécu. Un mindfuck semblable à celui de Profondo rosso ou L’oiseau au plumage de cristal, par exemple.
Mais l’application de l’idée est pitoyable. Qu’Alan se goure sur un élément aussi gros, lors d’un événement aussi important de sa vie, qui l’a traumatisé depuis, n’a absolument aucun sens.
C’est comme si j’avais renversé du jus de tomate sur un ami étant enfant, et que j’avais grandi depuis en pensant avoir tué quelqu’un. On en est à ce niveau de connerie.
Je crois que quiconque s’en souviendrait, s’il était responsable d’un meurtre…


The final cut dresse quelques pistes de réflexions intéressantes : un personnage évoque une femme qui revoyait inlassablement des vidéos de son fils dont elle ne pouvait faire le deuil, un autre parle de la façon dont le comportement est influencé par le fait de se savoir filmé, …
Mais ça ne reste que ça, des évocations, rien n’est développé.
Le film n’est certainement pas subtils, les comportements et dialogues manquent de naturels, certains sont complètement à côté de la plaque. Même l’étalonnage est lourd : les flashbacks et les souvenirs-vidéo sont tous désaturés à fond, ce qui n’est pas très beau non plus.
Je ne sais pas trop ce que Robin Williams fait là, non pas tant à cause du genre du film qu’en raison de la médiocrité de l’ensemble.
Mais dans les années 2000, l’acteur semble avoir voulu se détacher de ses rôles habituels, pour se tourner vers des personnages plus sérieux. Avant il incarnait régulièrement l’enfant d’un un corps d’adulte, mais c’est marrant comme même dans The final cut, il est possible de rapprocher son rôle à un autre : celui qu’il tenait dans Photo obsession. Un homme solitaire, qui vit par procuration en observant la vie d’autrui.
Il est vrai qu’il a toujours eu un regard triste, c’est d’ailleurs une des choses qui participent à la richesse de son jeu, qui parvient à faire passer du rire aux larmes sans difficulté.
On trouve bien dans The final cut un de ces moments où Williams est comme au bord d’un gouffre, sur le point de fondre en larmes tout en essayant de se retenir… c’est à chaque fois tellement réaliste qu’il est impossible pour moi de ne pas être touché.
Mais globalement le personnage d’Alan est tout morne et distant, il ne s’exprime presque qu’en murmures. On ne comprend pas ce que lui trouve sa copine, qui a l’air deux fois moins âgée (même si la différence d’âge n’est en fait pas si grande) ; j’ai cru au départ que c’était sa fille.
La caractérisation de ses collègues monteurs est encore pire, l’apparition du terme "amis" pour les qualifier m’a carrément surpris. Ils sont représentés comme des rapaces, et j’ai cru qu’Alan les fréquentait juste par nécessité, pour le boulot ; après tout lors de la première séquence entre eux, il rejette toute tentative de dialogue pour en venir directement au business.


Coupons court : The final cut est un gros foutage de gueule. Je me préparais à quelque chose de mauvais, mais pas à ce point...
Je vais finir ma série de Robin Williams avec Toys et passer à autre chose.

Fry3000
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le 7 nov. 2016

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Wykydtron IV

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