Après le raz-de-marée La La Land en 2017 et le succès critique de Whiplash quelques temps avant, c'est peu de dire qu'on attendait Damien Chazelle au tournant.
Et pourtant, il faut reconnaître que voir le jeune réalisateur franco-américain se lancer dans un film sur la conquête spatiale, bien loin des univers qu'il avait dépeint jusqu'ici, suscitait autant d'excitation que d'interrogations.


Comme son titre le laisse entendre, First Man est un biopic sur Neil Armstrong, le premier homme à avoir foulé le sol de notre satellite naturel, un jour de juillet 1969.
Le film couvre une période d'environ 8 ans, c'est à dire entre le début des années 60, alors qu'Armstrong est encore pilote d'essai d'avion-fusée, jusqu'à ce fameux premier pas sur la Lune, en passant par la mission Gemini 8.


First Man se penche également sur une partie moins connue de l'existence de l'astronaute, que ce soit sa vie familiale -ponctuée notamment par la perte tragique de sa fille encore en bas-âge- mais aussi sur sa personnalité dans les "coulisses" des missions spatiales.
On pourra à ce propos souligner que là où un film comme Apollo 13 se montrait laborieux dans la narration des événements précédents la mission à proprement parler, le film de Chazelle se révèle particulièrement fluide et intéressant de la première à la dernière des 141 minutes qu'il dure!


L'une des autres grandes qualités de First Man est son équilibre quasi parfait entre les phases qui détaillent les entraînements et les missions spatiales d'un côté (via un travail de reconstitution extraordinaire) et les "à côtés", qui touchent à la fois, on l'a dit, à la vie privée d'Armstrong, mais aussi, au contexte plus général des années 60 (guerre froide, remise en question par une partie de l'opinion publique et de la classe politique des sommes colossales dépensées...) dans lequel s'inscrit la conquête de la Lune.
A l'évidence, il y a eu un vrai travail de fond qui a permis au film d'atteindre un haut degré de réalisme et d'exactitude des faits, le rendant tout aussi passionnant pour les novices que pour ceux qui connaissent bien le sujet. Et il semble que les "largesses" prises sciemment par le réalisateur sont peu nombreuses et, lorsqu'elles existent, sont au service du film et de ce qu'il cherche à véhiculer, sans pourtant altérer la justesse du propos et le traitement du sujet.


Que dire également de la prestation de Ryan Gosling, dont certains aiment si souvent remettre en cause le talent, et qui pourtant, nous bluffe à chaque fois. Gosling n'est pas un expansif, on dit même qu'il a un jeu d'acteur peu varié, et pourtant, après voir vu First Man, on imaginerait plus personne d'autre incarner Neil Armstrong, qui, semble t-il, était lui même quelqu'un d'assez introverti et difficile à cerner.
Ce serait néanmoins faire offense aux seconds rôles du film de ne parler que de lui, car le reste du casting tient largement la route, à part peut-être les enfants, assez transparents. Mais dans l'ensemble, les personnages secondaires sont suffisamment consistants et crédibles pour donner du corps aux événements. Bien sûr, certains regretteront qu'un personnage tel que Buzz Aldrin (Second Man pourrait-on dire) soit si peu mis à l'honneur. Certes, il arrive un peu tard dans le film, mais on serait tenté de dire qu'il n'était tout simplement pas le sujet...


First Man c'est également une claque visuelle. Remarquablement filmé d'un point de vue technique, il propose également une photographie de toute beauté et un "enrobage" musical sobre et délicat, qui a le bon goût de ne pas se vautrer dans des thèmes classiques grandiloquents qu'il aurait été tellement facile de coller à pareil film.


"Damien Chazelle est un génie", c'est ce qu'on ne peut s'empêcher de penser en sortant de la séance.
Le trentenaire vient de signer son deuxième grand film en à peine deux ans, là où d'autres n'y parviennent pas en une vie entière.
A la fois intimiste et spectaculaire, complète, équilibrée et belle (tant esthétiquement que dans les émotions qu'elle véhicule), l'oeuvre de Chazelle réalise même le petit exploit d'éviter l'écueil de l'excès de patriotisme (si cher à nos amis d'outre-Atlantique) dans lequel tombent la plupart des films du genre.
A travers son protagoniste le plus célèbre, First Man met magistralement en perspective une des plus grandes aventures de l'Humanité.
Passionnant.

billyjoe
8
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le 23 oct. 2018

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Billy Joe

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