Au-delà des considérations politiques et éthiques, la conquête spatiale a toujours fasciné. Mais si le 7ème art s’est déjà naturellement penché sur le sujet, étrangement il a toujours évité de traiter de la mission la plus populaire de toutes : Apollo 11, celle du premier pas sur la Lune. Et comme c’est Damien Chazelle qui prend les commandes de l’équipage, forcément on est impatient d’embarquer.
Ça tombe bien car la mission est une réussite totale.
Le sujet était pourtant aussi délicat que casse-gueule ; faire ce film en 2018 à une époque où la conquête spatiale est largement remise en question (écologiquement et financièrement) et sur une époque de guerre froide où la communication prévalait sur la recherche scientifique. Le programme Apollo a toujours été un programme politique. Mais derrière ça ce sont des hommes et des femmes qui ont rendu cette folie possible. Et c’est ce que Chazelle vient chercher ici avant tout.
De cet événement mondial, nous connaissons toutes les images dans nos manuels scolaires, toutes les vidéos dans les documentaires et bien sur nous connaissons le nom mythique de Neil Armstrong. Mais finalement connaissons nous l’homme derrière la tenue de « Héros »?
Le film est de ce fait centré sur la vie d’Armstrong durant le programme de training puis des premières missions . Pendant près des deux tiers du film, le script reste à hauteur d’Homme, nous faisant vivre de l’intérieur tous les moments, des plus intimes aux plus intenses. On y voit au passage les thèmes chers au Cinéma de Chazelle : le travail jusqu'à l'abnégation pour arriver à son but, quitte à faire souffrir les proches et soi-même. Le sacrifice. Armstrong, homme taiseux et énigmatique (par rapport au très excentrique et médiatique Buzz Aldrin), est montré comme un homme déchiré, à la vie émaillée de deuils, un homme qui veut réussir pour ceux qui y ont laissé leur vie. Même durant les entraînements et les premiers tests et programmes, jamais la caméra ne prendra un point de vue éloigné, juste quelques plans "embarqués" depuis l'extérieur de la navette au mieux.
Puis le cadre s'élargit dans une troisième partie, celle sur Apollo 11, à mesure que le programme devient plus publique et médiatique. Les thématiques se veulent alors d'un coup plus polémiques et politiques, avant de remettre finalement le focus sur Armstrong durant la phase de la mission qui, au passage, est la seule dont nous verrons des extérieurs du décollage. Et là encore le film est d'une subtilité rare (malgré le grand spectacle et le triomphe) en nous faisant vivre des phases historiques littéralement depuis la première personne, au travers des yeux d'un homme brisé qui a accomplit son devoir comme un exutoire à tous les drames de sa vie.
Le travail de reconstitution est minutieux, le travail de l'image (très 60's) est incroyable avec une intégration des VFX quasi parfaite. Chazelle saisit toutes les facettes de son thème, mais c'est bien dans sa description des relations humaines qu'il excelle, grâce au couple Gosling/Foy qui joue une partition toute en intériorité et en subtilité.
Un voyage épique et intérieur à la fois, "First man" s'impose déjà comme un film important autant pour son côté documentaire que la finesse de son portait d'un simple homme embarqué dans l'un des faits les plus marquants de l'Histoire humaine.