Encore une jolie salve contre ce rêve américain qu'on continue de nous vendre mais dont les principaux intéressés sont revenus depuis belle lurette. Sean Penn l'a déjà étrillé, notamment dans Into The Wild, et on connaît ses positions critiques sur la société de son pays et son influence dans le monde. Ce que je trouve tout à fait salutaire, les critiques les plus constructives venant souvent de l'intérieur. Ici, il s'intéresse à la déception, en particulier. Et à l'imposture en général. Un père fantasque ne peut rester l'idole de sa fille que tant qu'elle est une enfant. Les États-Unis ne peuvent de la même façon fasciner que lorsqu'on conserve des yeux de bambin. Parce que ce tourbillon d'énergie, joyeux et créatif, n'est que ça, une farandole, un défilé de symboles creux, des drapeaux uniformes brandis par des gens soucieux de préserver leur mythe, un jour par an notamment, le Flag Day, la journée du Drapeau, ce chiffon bariolé qu'on colle partout pour proclamer qu'on est propriétaire du monde. Une erreur fondamentale qu'il faut au personnage principal trop de temps pour identifier. Sa fille, que l'illusion a failli séduire jusqu'à la destruction, aura la chance de descendre au fond d'elle-même pour découvrir sa véritable nature. Le père ne fera que l'entrevoir. Ce personnage pathétique, à la souffrance éphémère mais insupportable, emporte la sympathie, finalement, malgré sa nature de mirage tremblotant. Il fallait un acteur comme Sean Penn pour l'incarner jusqu'au bout de ses contradictions. Face à lui, sa fille dans la vie (mais qu'est-ce qu'elle ressemble à sa mère, c'est dingue, d'autant que son personnage rappelle l'inoubliable Jenny de Forrest Gump) lui tend un miroir implacable. L'imposture n'est pas qu'une image sans substance, elle est aussi un leurre qui détruit ceux qui se laissent hypnotiser par elle. Une réflexion sur la souffrance, donc, sur le lien père/fille, mais aussi sur la rivalité mère/fille, le doute, la maturation, la rédemption, la contrition, l'impossible légèreté dans un monde étouffant, bref, une fable cruelle et profonde, implacable autant que nostalgique, qui mérite le détour, malgré une narration un peu convenue par moment. J'ai pensé à Un monde parfait, parfois, à Forrest Gump aussi, donc, aux Amants du Texas, bref, à tout un tas de références pas du tout infamantes... Et j'ai fini par me dire que la vacuité du rêve américain aura fait le lit des populismes, finalement, parce que la déception engendre de l'amertume et peut déboucher sur un sabotage dans les règles de tout ce à quoi on tenait.

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le 2 mai 2023

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