En 2014 le film Cub de Jonas Govaerts est célébré par la presse belge comme le premier film d'horreur flamand ce qui semble avoir un peu agacé Steve de Roover conscient que sans être flamboyante l'histoire du cinéma de genre made in Flandres avait tout de même un demi siècle d'existence. C'est en tout cas sur ce constat que débute Forgotten Scars An In-depht Look at Flemish Horror Cinéma qui nous raconte la courte mais passionnante histoire du cinéma d'horreur non pas made in Belgium mais bel et bien made in Flandres.

Sur la forme le film de Steve de Roover fait le choix d'une rétrospective chronologique uniquement commenté par les acteurs et actrices de cette histoire elle même et donc sans le moindre point de vue externe. Bien sûr les réalisateurs d'hier commentent les films d'aujourd'hui et inversement mais dans ce Forgotten Scares très autocentré vous ne trouverez pas par exemple l'analyse ou le regard critique d'un Fabrice Du Welz. Dans sa mise en scène et son montage on ne peut pas dire que Forgotten Scares soit très dynamique et inventif, on est plutôt sur un documentaire très classique et presque scolaire qui remonte le temps au fil des films et des interviews, c'est pas très fun sur la longueur mais fort heureusement ça reste assez passionnant de bout en bout. Comme tout bon documentaire de ce type on ressort de Forgotten Scares avec la satisfaction d'avoir appris des choses, le plaisir de quelques anecdotes amusantes et surtout l'envie de voir et découvrir quelques films rares et oubliés. Forgotten Scares remonte le temps jusqu'à 1971 et les films de Harry Kümel véritables pierres fondatrices du cinéma de genre flamand avec Daughters of Darkness (Les Lèvres Rouges) et Malpertuis deux films aux incontestables qualités cinématographiques pourtant bien plus célébrés à l'étranger que dans leur propre pays. Ensuite le cinéma de genre made in Flandres va essentiellement se faire en dehors des circuits de financement et de distributions classiques avec des réalisateurs énervés, contestataires, anarchistes et décalés voulant rompre avec le cinéma classique et institutionnel. Après deux galops d'essais avec Meurtres au Crayon de Guy Lee Thys en 1982 et The Antwerp Killer de Luc Veldeman (1983) qui sont deux film presque amateurs traitant de serial killer, le cinéma horrifique flamand va se radicaliser encore plus avec des œuvres ouvertement provocatrices pour bousculer l'establishment. C'est ainsi que vont apparaître les films du très anarchiste Rob Van Eyck avec The Afterman tourné pendant un an et du provocateur Johan Vandewoestijne avec Lucker lequel officiera souvent sous le pseudo plus simple à prononcer de James Désert. Des films qui bousculent les tabous de la nécrophilie crapoteuse et de toutes les violences à travers des œuvres souvent imaginés comme d'énormes fuck off au manque de financement public. Puis arrive en 1988 le succès du film Rabid Grannies (Car oui c'est un film flamand) porté par un partenariat avec la firme Troma et l'explosion de l'exploitation du marché de la vidéo qui va permettre à d'autres réalisateurs de s'engouffrer dans la brèche comme Léon Paul de Bruyne avec Maniac Nurses (1990) que le réalisateur va vendre à Troma en le décrivant comme un film tourné en Hongrie avec des femmes nues et des fouets ou Parts of Family 2003. Si le cinéma d'horreur flamand continue de plus ou moins se faire dans des circuits parallèles avec toujours les mêmes francs tireurs et quelques nouveaux cinglés comme Joël Rabijns et Yves Sondermeier et leur alléchant The Miracle of Life – Confession of a Teenage Placenta (2013) des films plus classique et distribués en salles arrivent comme Left Bank de Pieter Van Hees en 2008, Cub de Jonas Govaerts en 2014 ou Yummy (2019) démontre que le cinéma d'horreur flamand a encore des choses à proposer.

Fatalement dans ce type d'inventaire cinématographique on retient surtout les anecdotes croustillantes et les personnages hors normes. J'ai de ce fait beaucoup aimé toute l'histoire autour du film The Antwerp Killer devenu culte tant il était mauvais et dont le père du réalisateur est venu en personne récupéré l'unique copie 16 mm du film et toutes les VHS vendues en faisant du portes à portes aux vidéoclubs afin de faire disparaître définitivement ce motif de moquerie envers son fiston. Autant dire que ceux qui possède encore une VHS du film doivent la garder bien précieusement. J'ai aussi eu un gros coup de cœur pour le très rigolard et humble réalisateur Léon Paul de Bruyne et ces films complètement Z plein de femmes nues et de gore crapoteux. Il suffit de voir les images du casting des actrices de son film Maniac Nurses avec des comédiennes les seins à l'air qui s'avance vers la caméra jusqu'à ce que leurs boobs s'écrasent presque sur l'objectif pour comprendre les exigences du bonhomme. Un vrai personnage très amusant qui déclare qu'il était tellement obsédé à essayer de faire de belles images qu'il perdait souvent complètement de vue ce qu'il devait raconter … Son film ressuscitant la nazisploitation entre torture porn et Z fauché avec une improbable histoire de nazis voulant transplanté le cerveau d'Ilsa dans des prostituées restera malheureusement à jamais inachevé le bonhomme préférant visiblement se tourner vers la pornographie , domaine dans lequel il avoue beaucoup s'amuser...

Forgotten Scars An In-depht Look at Flemish HorrorCinéma est un petit documentaire vraiment instructif pour les fans de cinéma d'horreur. En ouvrant une porte caché sur un univers bien particulier et mystérieux, Steve de Roover donne envie de découvrir des films et des cinéastes même si c'est sans doute à nos risques et périls.

freddyK
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le 23 août 2023

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