Fortress s'ouvre sur une géographie de contrainte. Stuart Gordon conçoit l'espace pénitentiaire comme un dispositif actif : couloirs, cellules et surfaces réfléchissantes participent à la dramaturgie. La mise en scène favorise le cadrage serré, la géométrie des plans et les travellings qui modulent la perspective et rendent palpable l'oppression. Le dispositif visuel met en acte la captivité et expose les mécanismes du pouvoir.
Cette exigence formelle est la réussite la plus nette de l'œuvre. La photographie adopte un étalonnage froid et métallique, qui accentue la texture industrielle des lieux. La profondeur de champ est maniée pour isoler les corps ou inscrire leur vulnérabilité au sein du décor. Le montage privilégie l'ellipse et les raccords par mouvement afin de restituer une temporalité faite d'attente et d'éclats brutaux. Ces décisions disciplinent le regard et confèrent au film une cohérence plastique rarement gratuite.
Christophe Lambert assure l'ossature dramatique par une présence mesurée et une densité physique qui ancre la narration. Son jeu, éloigné de l'exubérance, privilégie la retenue et rend crédibles les enjeux corporels de la captivité. Les seconds rôles offrent des accents contrastés mais révèlent aussi l'inégalité d'une écriture qui n'approfondit pas toujours leurs motifs intérieurs. Ces limites dramatiques atténuent certaines ambitions, notamment lorsque le scénario opte pour des raccourcis explicatifs, mais elles n'effacent pas la tension constitutive du récit.
La bande sonore et le design acoustique agissent comme un contrepoint attentif. Bruits mécaniques, silences pensés et motifs musicaux non diégétiques tissent un horizon sonore qui soutient la dramaturgie sans l'écraser. Le film fait usage du bruitage diégétique pour rendre tangible la machine pénitentiaire et recourt au leitmotiv musical avec parcimonie afin de souligner les émotions sans les subordonner entièrement. Certaines solutions narratives relèvent de facilités dramaturgiques qui affaiblissent la surprise, mais la lisibilité des scènes d'action et la continuité spatiale des enchaînements témoignent d'un savoir-faire concret et d'une économie de moyens rare dans le genre.
Fortress ne renouvelle pas la dystopie, mais il l'interroge par la forme. Ses réussites plastiques, le contrôle du rythme et la tenue de son interprète principal compensent des lacunes narratives ponctuelles. Le film s'impose comme une proposition sincère où la forme travaille à penser l'enfermement et la résistance. On le quitte sans triomphe mais avec la certitude d'avoir vu une œuvre qui place la mise en scène au cœur de sa réflexion et qui laisse dans la mémoire un plan obstiné et durable.