Tu reluttes

La chasse à courre est une pratique de chasse ancestrale longtemps réputée aux Etats-Unis. On capturait des animaux, plus ou moins vigoureux, et on s'amusait à les relâcher en leur laissant un mini-laps de temps avant de les rechasser, par plaisir. C'était parfois des renards. Foxcatcher donc, traduisible en attrape-renards. Et les images de cette pratique polémique ne sont pas montrées par hasard en introduction. Foxcatcher c'est aussi le nom d'une équipe de lutte américaine, dirigée par John 'Eagle' du Pont, à la fortune incroyable à tel point de pouvoir traumatiser un juif à vie. À vie, plus quelques jours.

Inspiré d'une histoire vraie, nous suivons un passable et surprenant Channing Tatum dans un rôle taillé pour lui où il interprète le lutteur Mark Schultz aux côtés de Mark Ruffalo, sosie officiel du mari de Gaby la Desperate Housewive, qui joue son grand frère et son entraîneur, ancien champion de lutte.
C'est sans leur père, Papa Schultz, et par la force des choses qu'ils vont rejoindre l'équipe Foxcatcher de John du Pont, campé par un remarquable Steve Carell.

Le film commence lentement, on découvre nos frangins à la salle d'entraînement où on cerne très vite leur psychologie. Dans leur échauffement au corps-à-corps, c'est plus qu'un entraîneur qu'on regarde, mais un frère, et plus qu'un échauffement, c'est limite un câlin pudique entre maître et élève. Mais lorsqu'on est élève, il y a admiration, mais quelque peu de jalousie forcément, donc Mark s'énerve quand il voit qu'il est pas encore au niveau, il va jusqu'à le faire saigner son mentor. Mais ce dernier va continuer, comme un frère prêt à tout pour le sien.

Récompensé par une palme d'or pour la mise en scène de Bennett Miller, ce n'est pas par ça que le film brille, loin de là, car si elle est très bien, elle est loin d'être exceptionnelle et trop mollassonne. Sa force vient des personnages. En particulier de Monsieur du Pont, riche tocard, qui va apprivoiser ses petits renards. Il va recruter premièrement Mark, lui filer une cassette de propagande qui le valorise, et s'identifier à ce qu'il a toujours rêver d'être, un vainqueur. Et si le mystère du début convainc peu et nous trouble, il faudra attendre les fameux championnats du monde pour qu'il se dévoile dans sa dramatique splendeur.

En effet, une fois que nos lutteurs ont enfilé leur tenue de tantouze grecques afin de faire leur douloureuses câlineries pour des combats manquant d'intensité, mais relevés par une ambiance musicale réussie, le film prend son envol. Notamment dans l'hélicoptère "Ornithologist, Philatelist, Philanthropist" pour une scène déconcertante d'humour, du Pont commence à se mettre à nu, à devenir ami avec Mark, et avoue ses faiblesses en partageant ses vices, et ses secrets. Notre milliardaire n'est qu'un vulgaire gamin qui veut sa mitraillette, qui fait semblant de ne pas s'intéresser à son train miniature devant sa mère, femme à laquelle il fait honte, surtout en essayant de se montrer entreprenant avec ses faux-copains lutteurs. Un perdant qui jalouse de plus en plus Dave, qui lui a l'admiration de son cadet.

C'est sur un rythme déconcertant que nous suivons un homme cherchant le dépassement de soi et à accomplir sa quête de devenir Lutteur King, un frère model incroyable, et un homme qui vit de chimères à travers ses sportifs qui ne sont que des jouets. Une relation d'autant plus émouvante quand on voit les magouilles et illusions qu'ils subissent. Un film magistral, haletant, à l'ambiance poignante, au final incroyable et déroutant, où chacun est un renard pris dans sa propre cage, un renard qui essaye de s'en tirer tant bien que mal de cette fausse utopie, un renard qui essaye de survivre sans se mordre la queue.

Mais quand même 3h30 de film, c'est vachement long pour ça, non ? Hein, comment ça ? Ça a duré que 2h10, t'es sûr ?