Imaginez, vous allez voir un film. Au début de ce film, un homme discute avec un autre homme par téléphone. On finis par savoir que cet homme n'est autre que le réalisateur de ce film. Puis, vous entendez cet homme confesser qu'il pense avoir raté son film. C'est exactement ce qui m'est arrivé quand je suis allé voir Francofonia. Merci Alex, c'est classe. Très classe.
Au final, nous assistons à un film qui à la fois semble combler du vide et pourtant apparaît comme très intéressant. Classe.
Donc, autant définir 3 axes, qui ne sont autres que les chemins que le film emprunte.
Tout d'abord les personnages sur lesquels le film se centre, ensuite le narrateur-réalisateur qui nous expose ses réflexions (???????) et enfin la partie historique qui rejoint quelque part la partie réflexion (???????), tout cela emmêlé par des transitions qui pour le coup sont bien menées.
Bon, alors l'histoire avec les personnages est en soit intéressante, en tout cas sur le papier. Un français et un allemand qui s'entraident à conserver le Louvre pendant la guerre malgré les consignes d'Hitler, ça peut être pas mal. En fait il est assez étrange que je sépare toute mon analyse ainsi, car tout est assez emmêlé dans le film, et l'intérêt de chaque partie doit aussi aux deux autres. Ceci étant dis, je me permettrais de dire que cette partie-là est à la fois la plus réussie et en même temps la moins intéressante. Les idées visuelles sont présentes et assez impressionnantes, et le film ne se mélange pas les pinceaux. Cependant, je dois dire malheureusement qu'on n'a jamais l'impression que ça va au-delà, il n'y a pas vraiment de substance dans cette histoire. On ne sent pas vraiment un réalisateur passionné.
Les deux autres parties, je ne vois pas vraiment comment les séparer dans mon analyse. Disons qu'on a de très bonnes idées. Ainsi, on a à la fois un mélange de scènes tournées à la manière des films des années 1920s (un hommage au cinéma muet en quelque sorte), on donne vie à un symbole (Marianne), on donne la parole à Napoléon, dans le même temps on a un narrateur qui expose ses réflexions. En faite, on a un mélange de plein de bonnes idées qui ont une certaines force, des fois on a même de très beaux plans (et une scène sublime esthétiquement, dommage qu'elle ne dure pas plus longtemps). Je serais tenté de dire: classe!
Malheureusement, le problème vient non seulement du fait que le réalisateur semble blasé de son propre film, voyant qu'il n'arrive pas à le rendre passionnant et nous le disant en face entre deux réflexions, mais en plus on a l'impression qu'il ne sait même pas où il veut en venir. Il nous sort sa considération de l'art, pourquoi il est tant fasciné par les tableaux, qu'ils sont les témoins de l'histoire et qu'il voit par leur visage chaque événement... Ce qui en soit est intéressant, je ne dis pas, mais le problème c'est qu'on sent qu'il veut offrir un message avec ça et n'y arrive pas. Sokourov s'emmêle cette fois-ci les pinceaux, nous servant des réflexions qui ne vont jamais jusqu'au bout et qui ne réussissent pas à nous faire vraiment réfléchir, et en plus ne réussit pas à justifier leur présence dans le film. Classe...
Au final, il se rends lui-même compte en parlant que ce qu'il dit commence à ennuyer le spectateur, et se met à ironiser là-dessus. Le pire c'est qu'on n'a même pas l'impression qu'il se moque avec plaisir de ceux qui l'écoute en ce moment même, il a l'air sincère tout le long, comme s'il avait quelque-chose d'important à dire mais qu'il ne parvient pas à le dire, comme s'il se rends compte qu'il se perds et qu'il ne peut réussir à sauver son film. Et malgré tout, il continue, tentant jusqu'au bout de sauver les meubles... C'est une certaine classe en soit.
Alors c'est dommage, parce-qu'il y a certaines idées intéressantes qui font mouche. Marianne ne cessant de crier "Liberté, Egalité, Fraternité", et Sokourov répondant avec des ricanements montrant ainsi tout à fais ce qu'il pense de la présence de ces valeurs aujourd'hui. Classe? Je dirais que ça l'est.
On a aussi Napoléon Bonaparte s'attribuant tout ce que le Louvre a apporté ne cessant de répéter que c'est grâce à lui. Bref, on ne sait pas trop pourquoi Sokourov l'intègre dans ce récit (enfin bon, il y a bien d'autres choses qui apparaissent aussi inutilement), mais malgré tout, les passages avec lui sont intéressants. Une scène particulièrement époustouflante esthétiquement avec lui vaut bien le coup, et m'a même donné envie de dire: "classe!"
La scène finale est intéressante sur le papier. Les deux hommes vont voir un voyant qui leur explique exactement ce qui se passera après la guerre pour chacun d'eux. Cependant, je trouve que cette scène n'a pas la force qu'elle devrait avoir, on sent que malgré les bonnes idées Sokourov n'est plus trop inspiré et n'a déjà plus aucun enthousiasme. Classe...
Au final, si Sokourov pense, avec honnêteté, avoir raté son film, je pense qu'il est un peu dur avec lui-même. Si le film donne l'impression de ne pas savoir où il va ni ce qu'il doit ou peut raconter, il est cependant ponctué d'idées extrêmement intéressantes qui font de lui un film on ne peut plus imparfait mais qui malgré tout est assez curieux, étonnant. On ne peut pas dire qu'il soit captivant ou fascinant, mais allier autant le brillant et le maladroit, c'est intriguant, et, oserais-je dire... Classe?