Dompter la mort a toujours été une fascination à de nombreux égards, et notamment au sein de la religion. Cette dernière, sans surprise, traverse la structure narrative du film via de nombreuses manifestations : le scientifique imitant Dieu, le monstre en position de crucifix, la Bible, le confessionnal ou encore l'épigraphe au début du film. Elle est la pierre angulaire de ce Frankenstein.


Victor (Oscar Isaac), scientifique impétueux et hérétique, n'hésite pas à s'aliéner une partie de la société pour parvenir à ses fins. Sa relation avec le monstre est le cœur battant du récit et permet de mettre en avant son imperfection. Il sera par exemple incapable de ne pas reproduire les erreurs de son père cruel avec sa propre création, trop aveuglé par son hubris. Ce schéma (créateur/création, père/fils) est un thème récurrent du cinéma de Del Toro (Pinocchio ou HellBoy), abordé ici un peu différemment de ses précédents films avec une rupture plus abrupte entre les 2 personnages. Toute cette partie où l'on suit Frankenstein souffre de quelques problèmes de rythme, principalement liés au personnage de Christoph Waltz, qui, malgré le talent qu'on lui connait, n'apporte que très peu de profondeur au récit.


L'apogée de ce conte gothique, c'est le monstre de Frankenstein, interprété par Jacob Elordi, qui habite son personnage, d'abord avec une âme d'enfant quand il rencontre Victor puis avec celle d'un adulte éduqué. Il est capable d'excès de rage vifs et glaçants (le prologue) mais arrive également à nous toucher par sa bonté et son empathie (les scènes avec le viel homme aveugle ou encore la belle soeur). On regrettera que ces scènes ne prennent pas une part plus importante dans l'ensemble du film ou encore que la belle soeur soit réduite à un simple personnage


Comme dans les précédents films du metteur en scène, une importance toute particulière a été apportée aux décors. Des décors réels, comme dans Nightmare Alley, sont privilégiés et ça se sent. Le laboratoire est de ce point de vue particulièrement réussi, sorte de Big Ben gothique. Le travail de la lumière dans ces décors est épatant, comme lors de l'expérience au tribunal ou bien l'assemblage du monstre dans le laboratoire.


Guillermo Del Toro nous laisse un cadavre avec une belle sensibilité, entre rage et sérénité, qui confronte l'être humain à ses propres échecs, sa cruauté, son rejet de la différence, son manque d'empathie ou sa difficulté à pardonner. La rédemption est-elle toujours possible ?

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il y a 4 jours

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TimChapeau

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