Frankenweenie
6.6
Frankenweenie

Long-métrage d'animation de Tim Burton (2012)

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Critique : Frankenweenie (par Cineshow.fr)

Tim Burton fait partie des points de divergence au sein du blog. D’un côté Benjamin qui a déjà fini de l’enterrer, de l’autre, moi, toujours enthousiasmé par le réalisateur qui avait montré avec Dark Shadows un retour salvateur à ce qu’il savait de mieux faire, le cinématique gothique inspiré par ses démons. Frankenweenie est donc son second film cette année (mais les délais de production n’ont rien à voir avec les films live puisqu’il faut environ deux ans pour mettre sur pieds un film en stop-motion) et surtout une version longue de son court-métrage live datant de près de 30 ans. Un contexte qui laisse imaginer assez rapidement la portée personnelle du projet pour le réalisateur qui peut à présent raconter son histoire telle que conçue initialement, à savoir en image par image et en noir et blanc. Un aboutissement en forme de revanche artistique sur le studio de Mickey qui se sépara de l’artiste justement après ce court-métrage à l’époque, le jugeant trop sombre et inadéquat par rapport aux messages bien-pensants à véhiculer.

Aujourd’hui, tout à changé (ou presque) et Tim Burton n’est plus l’animateur boutonneux de ses début, rongé par le noir de ses pensées, mais un (ex-)cinéaste de génie et surtout une véritable marque précédée d’un univers graphique reconnaissable entre mille sur lequel il est assez facile de capitaliser. Une belle ironie qui n’enlève rien à la qualité artistique formelle de Frankenweenie, un pur film de monstres s’inscrivant dans la parfaite lignée des œuvres Burtonniennes, à cela près qu’un ingrédient essentiel semble désormais avoir totalement disparu de la botte de l’artiste, l’émotion. Un élément fondamental que l’on pointait déjà du doigt dans Dark Shadows lorsque LA scène qui aurait dû se transformer en apothéose ne dégageait rien de vraiment palpable.

Relecture directe de l’œuvre d’origine, Frankenweenie dépeint toujours l’histoire de Victor Frankenstein et de sa proximité avec son chien Sparky, son véritable ami. Mais lorsque lors d’un malheureux concours de circonstance, Sparky vient à être percuté et tué par une voiture, le jeune homme décide de ne pas en rester là et de le réanimer en profitant d’une nuit orageuse. En passant d’un format 30 minutes à un format 1h30, on aurait pu penser que l’histoire de Frankenweenie aurait pédalé un peu dans le vide pour justifier l’heure supplémentaire. Et dans les faits c’est plutôt positif, le scénariste John August (déjà aux coté de Burton pour Big Fish et Charlie et la chocolaterie) ayant réussi à prolonger sans atténuer l’essence de l’histoire tout en lui apportant le terreau propice à l’incrustation quasi exhaustive de tous les symboles phares de l’univers de Burton. En ce sens, cette version stop-motion s’apparente à un regard personnel sur le travail de l’homme, à une introspection version grand public que certains jugeront sans doute comme étant du pur nombrilisme à son paroxysme tandis que d’autres l’interpréteront davantage comme l’aboutissement d’un rêve démarré 30 ans plus tôt.

Car il est de notoriété publique qu’à travers le jeune et solitaire Vincent, c’est le petit Tim Burton que nous découvrons. Frankenweenie est un allé simple dans l’esprit de l’artiste d’autant, une balade parmi certains éléments fondateurs de toute son œuvre. Des personnages que l’on croit tout droit sortis de « La Triste Fin du petit enfant huître et autres histoires », de la ville typiquement « Burbankienne » que l’on pouvait voir régulièrement à sa période la plus riche artistiquement , des musiques évidemment composées par Danny Elfmann, des multiples symboles présents, des doubleurs retenus (Winona Ryder, Martin Landau, Martin Short, Catherine O’Hara) ou encore de la galerie de freaks présentes tout au long du film et explosant dans le dernier tiers lors de l’attaque des monstres, rien ne manque à l’appel si ce n’est la présence d’un Johnny Depp étonnamment absent pour un tel film de synthèse.

Pourtant, aussi intéressante que puisse être cette introspection quasi psychanalytique, elle se déroule telle un plan bien huilé dénué d’originalité. C’est en ce sens que Frankenweenie laissera beaucoup de gens sur le bord de la route, car l’essence même de l’œuvre relatant le parcours du jeune garçon refusant la perte d’un être cher se voit trahie par un happy-end impensable, annihilant en quelques secondes la logique même du projet. Et si la mort du chien au début de l’histoire ne générait guère d’émotion en raison de sa rapidité, la fin et le film en lui-même n’en laisseront s’en échapper aucune, nous faisant atterrir à la réalité avec un sentiment franchement amer, comme si Tim Burton nous forçait à sortir de la salle la bouche en cœur alors que la logique du film résidait dans autre chose. C’est clairement regrettable d’autant qu’en terme d’animation pure, Frankenweenie est à nouveau un petit bijou à la fluidité exceptionnelle et aux décors somptueux. La proximité avec le travail des artistes animateurs est au plus près et se ressent à chaque image, chaque texture étant presque palpable, d’autant plus avec la 3D qui à défaut d’être transcendante, apporte un petit plus dans l’appréciation de la minutie du détail.

Avec une fin modifiée et plus en phase avec le début de carrière de l’artiste (mais fatalement moins compatible avec l’esprit Disney), il est clair que Frankenweenie aurait pu être d’un tout autre niveau sans toutefois être comparable avec ses meilleures œuvres. Mineure dans tous les cas (la faute à un manque de poésie évident en dépit du sujet), cette adaptation version longue du court-métrage de ses débuts ne s’inscrira pas comme un pivot fondamental de sa filmographie et ce malgré le caractère évidemment très personnel du film. Tim Burton semble aujourd’hui heureux (et c’est tant mieux pour lui) mais on regrette définitivement sa période torturée qui nous avait offerte quelques films majeurs des années 90 et surtout, quelques chefs d’œuvres.
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le 29 oct. 2012

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Mathieu  CRUCQ

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