Difficile de faire une critique détaillée de ce film, étant donné les nombreuses coupes qu'a subie la première version du film suite notamment aux préprojections où le public avait trop peur.
En me basant sur la version qu'il nous reste, on est face à un bon voire un très bon film. J'ai un petit regret de pas pouvoir voir la version "director's cut" de Tod Browning parce que j'ai le sentiment que ça devait vraiment être un chef d'oeuvre. David Lynch étant mon réalisateur préféré (bien que je préfère largement Mulholland Drive (2001)à Elephant man (1980), principal hommage au film de Tod Browning), je suis le public cible.
Je ne suis pas d’accord avec les critiques qui reprochent soit à Freaks de dépeindre une humanité horrible, soit de desservir le propos du film en montrant que les freaks ne sont pas vraiment gentils à cause de la séquence du film consacré à la vengeance. Je pense au contraire que Tod Browning a l’intelligence de ne pas tomber dans un schéma manichéen simpliste où tous les individus valides seraient systématiquement tous méchants et tous les freaks seraient tous des individus vertueux. On voit que des êtres humains valides sont capables d’empathie.
Je ne vais pas en faire des caisses non plus sur l’humanité de Tod Browning, il y a certains points potentiellement problématiques : le fait que le film soit pensé par la MGM comme un film d’horreur spectaculaire qui doit concurrencer le cinéma d’Universal, certaines rumeurs comme quoi les acteurs n’auraient pas été correctement nourris sur le tournage, le fait que Tod Browning possède lui-même un cirque etc. Il n’empêche qu’on est en 1932, et que, un an avant l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne, ce film reste assez progressiste pour l’époque et visionnaire, car en 1939 le régime nazi lancera l’« Aktion T4 », campagne d’extermination des adultes handicapés physiques et mentaux allemands et autrichiens.
Je trouve les scènes de la séquence de vengeance particulièrement réussies, Tod Browning et Cedric Gibbons à la direction artistique arrivent à créer rapidement un climat angoissant, qui à la fois contraste et succède très bien à l’ambiance un peu « bisounours » de la première partie du film. Pour ceux qui sont intéressés par le thème des freaks, je vous conseille l'excellente vidéo de l'essayiste Pacôme Thiellement pour le média indépendant Blast: https://www.youtube.com/watch?v=hmylgWaFbk4