Il y a des films qui, à défaut d’être des chefs-d’œuvre, vous surprennent par leur parfum démodé, par cette sincérité maladroite qui fait parfois plus de bruit que les grands élans du cinéma officiel. Fuite vers l’amour, de Richard Roy, appartient à cette étrange catégorie : celle des histoires bancales, mais hantées par une émotion brute, presque primitive.
Au premier regard, le récit semble cousu de fil blanc : une femme mariée, coincée dans une existence tiède, est enlevée par un fugitif. Tout annonce la mécanique prévisible du téléfilm de milieu d’après-midi. Et pourtant… quelque chose résiste. Ce n’est pas tant l’intrigue — trop mince pour surprendre — que la manière dont les regards se cherchent, se défient, se reconnaissent. Sarah Wynter incarne Mélanie avec une fragilité nerveuse, comme une nageuse qui aurait perdu sa ligne d’eau et qui cherche désespérément l’air. Face à elle, Andrew Walker, dans le rôle de Jack, le fugitif, déploie ce mélange de dureté et d’innocence qui rend le personnage troublant : criminel ou martyr ? ravisseur ou sauveur ?
Le film a les défauts de son temps : une photographie lisse, des dialogues parfois trop appuyés, un rythme saccadé. Mais il possède aussi une vérité inattendue : la façon dont il met en scène la faille intime de ses personnages. L’amour n’y apparaît pas comme une évidence romantique, mais comme une échappatoire, une fuite à double sens — elle, fuyant son mariage étouffant ; lui, échappant à une justice qu’il dit injuste. Deux trajectoires en cavale, deux solitudes qui se croisent au bord du gouffre.
Et c’est peut-être là que réside la force du film : dans son imperfection. Fuite vers l’amour n’est pas grandiose, mais il porte la maladresse de ceux qui veulent croire encore à la rédemption par le sentiment. Derrière ses airs de thriller sentimental, c’est une parabole discrète sur l’urgence d’aimer, même au mauvais endroit, même au mauvais moment.
Alors oui, Richard Roy n’a pas signé une œuvre mémorable. Mais il a su capter un instant fragile, une étincelle qui fait vaciller la frontière entre danger et désir. Et c’est peut-être ça, le vrai cœur de ce film : l’amour comme la plus insensée des cavales.
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