Sangue Padrino

Même si il est souvent présenté tel quel, Fulci For Fake n'est pas véritablement un biopic sur le réalisateur italien surnommé le parrain du gore. Pourtant on retrouve bien un court instant un comédien grimé sous les traits du célèbre réalisateur puisque le film de Simone Scafidi est une hybridation étrange de documentaire et de vrai faux making-of sur un biopic imaginaire. Une forme étrange et pas vraiment convaincante pour un film qui à défaut de célébrer le réalisateur Fulci comme il se doit nous offre un portrait assez sensible et touchant de l'homme.

Nous allons donc suivre le comédien Nicola Nocella alors que ce dernier se prépare à interpréter Lucio Fulci dans un biopic. Soucieux de coller au mieux au réalisateur disparu et d'en comprendre l'essence, le comédien part à la recherche de celles et ceux qui l'auront côtoyer afin d'en dresser un portrait le plus fidèle possible.

On ne va pas bouder cette tentative d'approcher le genre documentaire par une petite astuce scénaristique mais objectivement cette pirouette narrative n'apporte rien de bien palpitant au film qui dans l'ensemble reste dans un schéma classique et journalistique d'une personne partant à la rencontre des proches d'une personnalité afin d'en dresser le portrait. Les quelques et très rares séquences montrant Nicola Nocella jouant à être Lucio Fulci ou s'interrogeant sur son travail d'interprétation ont tellement peu d'intérêt que l'on se demande finalement ce qu'elles donnent comme plus valu au film. L'essentiel reste donc les rencontres et les confidences des différentes personnalités qui auront connus Lucio Fulci de manière intime ou professionnelle. Le cercle aurait sans doute mérité d'être bien plus plus large mais les intervenants sont de qualités et leur proximité avec le réalisateur colle pour le coup plutôt bien avec l'ambition intime de ce comédien en quête d'identification. On pourra donc écouter le compositeur Fabbio Frizzi, le réalisateur Michele Soavi, le comédien Paolo Malco ou le directeur de la photographie Sergio Salvati ; mais le film laisse aussi une très grande place aux deux filles du réalisateur Camilla et Antonella qui livrent de touchantes anecdotes et archives. On découvrira au fil des entretiens combien la lourde carapace du réalisateur aux accès de colères homériques et aux débordements de violences graphiques sur l'écran cachaient un homme timide et rongé par de nombreux drames intimes. L'anecdote qui éclaire la radicale violence du film L'éventreur de New-York par le prisme d'un drame personnel fait parti des quelques révélations et très bons moments d'un film qui globalement reste riche en anecdotes et en émotions.

Mais Fulci For fake est également un film assez frustrant puisque dès le départ il est conseillé à ce comédien de surtout s'intéresser à la période purement horrifique du réalisateur afin de vraiment le comprendre. Du coup le film ne nous apprendra rien ou si peu sur les origines, l'enfance et les premiers films du réalisateurs, les deux premières décennies de sa carrière de scénariste et réalisateur étant balayées en quelques secondes. Assez curieusement le film ne comporte aucun extrait des films du réalisateur se contentant de les illustrer un peu chichement par des photos et affiches. Même si c'est finalement une des notes d'intention de ce curieux film hommage , Fulci For Fake nous fera découvrir quelques facettes plus ou moins connus de l'homme mais restera assez évasif sur le travail du réalisateur et sur ses films, le tout étant même justifier par un critique qui affirme que toutes les interprétations des œuvres de Fulci en dehors de la période 80/82 ne sont que purs spéculations intellectuels. Fort heureusement même si c'est de manière bien trop brève et superficielle des films tels que La Longue Nuit de l'exorcisme, Croc-Blanc ou Les Quatre de l'apocalypse sont aussi évoqués dans le film. Bien sûr le film évite l'inventaire chronologique bien trop classique mais j'aurai aimé qu'il s'attache à décrire le réalisateur de manière plus global en parlant de ses premières comédies, de ses westerns ou de son incursion dans le polar. Dans Fulci For Fake on ne trouvera absolument rien sur La Guerre des Gangs , Selle d'Argent, Le Temps du Massacre ou Beatrice Cenci. La fin de carrière de Lucio Fulci est un peu mieux explicité que ses débuts mais là encore l'ensemble manque un peu de profondeur pour totalement appréhender les derniers films souvent décevants du maestro.

La relative originalité narrative de Fulci For Fake en torpille finalement un peu la promesse d'un grand film documentaire exhaustif sur le réalisateur. Le film de Simone Scafidi s'avère donc être à la fois plutôt touchant dans son approche de l'homme et très frustrant dans son illustration du travail du réalisateur , dommage ...