Noir c’est Noir
Film d’anticipation, de voyages dans le temps, d’action-comédie et plus encore… Trancers est récemment ressortie sur la chaîne Youtube de la Full Moon Features dans une version remasterisée noir et...
le 20 sept. 2025
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Film d’anticipation, de voyages dans le temps, d’action-comédie et plus encore… Trancers est récemment ressortie sur la chaîne Youtube de la Full Moon Features dans une version remasterisée noir et blanc. Réalisé il y a plus de quarante ans, le film de Charles Band constituait une sympathique série bis au croisement de Terminator, Retour vers le futur et Blade Runner, imposant son principal interprète (Tim Thomerson) en icône emblématique du studio.
Il n’y a plus d’espoir
An de disgrâce 2247, Angel City by night. Un flic entre dans un bar pour commander un café noir. L’introduction marque d’emblée l’appartenance du film au genre du néo-noir avec son décor, ses néons et synthés exprimant la vision d’une métropole déshumanisée frappée d’un voile de brouillard et d’une pluie sans fin. Ces choix stylistiques empruntés à Blade Runner se prolongent jusque dans l’interprétation de ce héros taciturne, clope au bec, cheveux gominés, affublé d’un trench-coat de détective privé.
Les hostilités ne vont pas mettre longtemps à démarrer pour inaugurer ce copieux bis science-fictionnel. A l’instar d’un Dirty Harry, Jack Deth est un policier davantage porté sur la gâchette de son pistolet laser que sur la diplomatie. Dès l’introduction, le personnage se retrouve à passer derrière le comptoir pour flanquer une bonne correction à une vilaine mégère tentant de l’ébouillanter et de lui planter sournoisement un couteau dans le dos.
Une fois cette séquence euphorique digérée, il reste bien peu de choses à gratter sous le vernis de ce futur dystopique. C’est à peine si nous pouvons discerner les ruines d’un Los Angeles passéiste, immergé sous les flots par un habile trucage optique digne de La Planète des Singes. L’univers de Trancers fleure bon l’artisanat : un mélange de maquettes, de trucages optiques, de matte-painting et de SFX entre deux âges, parfaitement engoncés au milieu des années 80.
Le héros ne mettra d’ailleurs pas longtemps à y retourner, envoyé dans le passé pour traquer Martin Whisler. Ce dernier est un dangereux fugitif cherchant à changer le cours de l’histoire, en tuant les ancêtres des membres du conseil régissant afin de renverser l’ordre établi. A l’instar de Roy Batty (Blade Runner), l’antagoniste est animé par l’instinct de survie afin d’empêcher l’extinction de toute son espèce. Néanmoins, ses motivations restent perverties par une folie des grandeurs, plaçant Jack Deth comme le véritable héros du récit.
Les Trancers sont indésirables à la société parce qu’ils sont dangereux et totalement dépourvus d’état d’âme. Leur mutation en zombie n’est pas très bien explicitée dans ce premier opus. En réalité, cet état de transe organique relève d’une consommation anormalement élevée de stéroïdes. Il ne faut y voir aucune autre velléité que celle d’opposer une adversité à Jack Deth, plutôt que d’afficher un discours pontifiant du type «la drogue c’est mal m’voyez». Pourtant, il semblerait que Charles Band et ses deux scénaristes aient eu la seringue un peu lourde sur l’héroïne à en croire la légèreté de ton opérée durant tout le film.
Oui gris c’est gris
Pour éviter que les Trancers ne troublent l’ordre public, Jack Deth utilisera tous les moyens estimés «appropriés» pour maintenir la paix, même si cela implique de désintégrer un criminel en état de sommeil cryogénique comme ultime forme de procès. Si cette mise à mort aussi drôle que surprenante aurait pu mettre fin à la cavale de son adversaire, cela n’aura finalement aucune incidence sur l’intrigue manichéenne du film puisque son esprit réside en 1985. Nous ne sommes pas à une ânerie ou à un paradoxe temporel près et on devine bien vite les limites budgétaires imposées par cette modeste production de Charles Band.
Dévitalisé de la force subversive de son modèle (Blade Runner) et de ses thématiques Dickienne (et on ne parle pas d’un organe masculin) liées au transhumanisme, Trancers s’impose néanmoins rapidement comme une sympathique série B. En effet, Charles Band n’affiche aucune autre ambition que celle de nous vendre un divertissement léger ponctué de séquences d’actions, de gunfights et de cascades.
Le film gratifie son public d’une série de situations assez cocasses et rocambolesques digne d’un album Martine : Jack Deth sème la police en scooter en passant à travers une baie vitrée, Jack Deth tabasse un père noël dans un centre commercial, Jack Deth va parfaire son bronzage dans une cabine UV, Jack Deth mange un hamburger pour la première fois, Jack Deth noue une romance avec son équipière, Jack Deth apprend à rouler en décapotable, Jack Deth part danser en boîte de nuit, Jack Deth s’embrouille avec des punks à chiens, Jack Deth se lie d’amitié avec un mendiant ivre jetant des canettes de bière au visage des policiers…
Notre héros s’amuse tellement qu’il en oublie le plus important, c’est à dire accomplir sa mission. Et pour ce qui est de revenir à son époque, il s’y opposera avec véhémence auprès de sa hiérarchie comme un enfant que l’on priverait de son loisir préféré. Et qu’est-ce qu’on le comprend, quand on voit la morosité ambiante dans le futur. Pour l’aider dans sa quête, Jack dispose également d’une montre gadget plus efficace qu’un gilet par balle puisqu’elle permet de figer le temps afin de se sortir des plus fâcheuses postures. Évidemment ce Deus Ex Machina ne peut servir qu’une fois (ou disons deux). Une idée préfigurant d’une quinzaine d’années le bullet time de Matrix (les ralentis et hula hoop stylisés en moins évidemment).
Conscient des limites de cette entreprise, Charles Band ne cherchera jamais à se faire plus gros qu’il ne le peut. Trancers s’épanouit donc en marge des habituelles fresques science-fictionnelles, en développant son propre univers sans jamais se prendre trop au sérieux et en évitant de tomber dans le cynisme parodique. En résulte un divertissement jouant la carte décomplexée du comique de situation, induit par le décalage de voir un homme d’un autre temps débarquer à notre époque.
Helen Hunt s’en fera le garde-fou via son premier «grand» rôle dans une production. Trancers baigne également dans une sorte de naïveté confondante propre aux films de son producteur. Son cachet rétro, ses synthétiseurs et le charme délicieusement suranné qui s’en dégage auront permis d’en faire un classique des vidéos-clubs d’époque, obtenant avec le temps ses galons d’œuvre culte.
Le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors s’il te faut un guide pour parcourir l’univers étendu de la Full Moon Features, L’Écran Barge te fera découvrir le moins pire et le meilleur de l'oncle Charles Band, le Walt Disney de la série bis !
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le 20 sept. 2025
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