Galaxy Express 999
7.5
Galaxy Express 999

Long-métrage d'animation de Rintarô (1979)

Ce film est le premier opus cinématographique de la saga Galaxy Express 999, à l'origine un manga puis une série TV et plusieurs films, et il s'agit aussi de ma première incursion dans le Leijiverse.
Le Leijiverse, c'est l'univers créé par le mangaka et réalisateur Leiji Matsumoto, figure de légende de son époque à placer aux cotés de personnes comme Go Nagai ou Yoshiyuki Tomino. Il est plus connu en France pour Captain Harlock (aka Albator) et au Japon pour le cultissime Uchuu Senkan Yamato. La plupart de ses oeuvres se déroulent donc dans le même univers, sans cependant que l'on cherche à garder une cohérence chronologique, et les destinées des différents personnages s'entrecroisent: ainsi l'on verra dans ce film apparaître Harlock et plusieurs de ses compagnons.

Cet univers nous est ici introduit de manière très efficace à travers le voyage du Galaxy Express 999, qui en montre de nombreux aspects et en laisse entrapercevoir plus encore - nous laissant avec une seule envie: celle de s'y plonger et de découvrir le reste. Il s'agit d'un monde science-fictionnesque à souhait, rempli de planètes aux bâtiments et aux véhicules futuristes, de vaisseaux spatiaux, et où des trains voyagent dans les grands espaces interstellaires (un classique de l'imaginaire japonais*). Mais aussi, et c'est ce qui nous intéresse ici, un monde où les humains peuvent se débarrasser de leur corps de chair pour un, moins fragile, de métal.
L'un deux, le Comte Mécha, est le grand méchant de notre histoire. Chassant les humains non-mécanisés pour son plaisir, il a tué la mère de notre héros, Tetsuro, qui depuis ne vit que pour se venger. Pour cela, il cherche à embarquer à bord du Galaxy Express 999, afin de se rendre sur la planète où il pourra acquérir lui aussi un corps robotisé pour exercer sa vengeance. Son voyage commence lorsqu'il est sauvé de la police par une femme mystérieuse, Maetel, qui lui propose de monter avec elle à bord du train interplanétaire.

On devine qu'à la simple quête de vengeance de Tetsuro, se double la lutte de l'homme contre la machine et le thème typiquement SF de la mécanisation de l'être humain, de l'aliénation que cela implique, des questionnements que cela soulève. Tout le long du film, on est amené à se demander si il vaut mieux vivre une vie brève dans un corps de chair et de sang ou une vie éternelle dans un corps de métal froid. Si la simple opposition de notre héros et du grand méchant paraît un peu manichéenne, c'est à travers certains personnages secondaires que ce thème est développé et approfondi, donnant par ailleurs lieu à des scènes assez touchantes et d'autres fascinantes.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que le point de vue adopté par Matsumoto sur ce point est opposé aux habitudes de la science-fiction japonaise. Depuis le Tetsuwan Atom d'Osamu Tezuka et pour diverses raisons culturelles, le robot-humain y est souvent représenté comme allié de l'humanité, machine bienfaitrice au service de l'homme - au contraire de la SF occidentale plus paranoïaque. Dans Galaxy Express, le corps mécanique domine l'humain (le Comte Mécha chasse les humains comme du bétail) et est clairement représenté de façon négative. N'étant pour le moment pas plus cultivé sur le Leijiverse que sur la SF japonaise de cette époque, je ne saurais pas en tirer de conclusion, mais cela reste peut-être un point de vue à explorer.

Malgré son scénario plus profond qu'il n'y parait, le film n'est pas à l'abri de quelques clichés, notamment celui du héros-gamin dont la présence dans un contexte définitivement adulte paraît par moment un peu déplacée. Quelques passages bien convenus ou des coups du genre "Surtout pense à ne pas faire telle erreur" - et je vous laisse deviner ce qui se passe ensuite - rendent le script peu subtil. Mais globalement, le tout reste très convaincant et bien ficelé.
Le rythme est peut-être un peu inégal, puisque de superbes passages alternent avec quelques longueurs, mais dans la dernière demi-heure le film se lâche pour un vrai feu d'artifice mêlant bataille spatiale et twists, sans pour autant oublier de conclure son propos.

Un authentique film de SF qui construit un univers riche et développe une certaine réflexion, possédant d'excellentes scènes qui compensent largement quelques erreurs de rythme et de scénario. Une très bonne pioche qui m'encourage à m'intéresser à d'autres oeuvres de Leiji Matsumoto.

*Cf le livre de Kenji Miyazawa, Ginga Tetsudo no Yoru, classique de la littérature japonaise instaurant le thème récurrent d'un train voyageant à travers la galaxie.
Down
8
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le 18 oct. 2013

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5 j'aime

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