Si l'on parle souvent des années 80 à 90 comme étant l'âge sombre des comics américains (une période de maturité pour les super-héros leur permettant de s'affranchir de leur image de produits pour enfants pour devenir une littérature beaucoup plus adulte et estimée depuis), l'équivalent nippon pour les grosses bébêtes destructrices se nomme l'ère Heisei.
Cette période se traduit pour Godzilla comme un retour à l’agressivité et à la férocité de ses débuts. Les combats entre monstres géants de l'ère précédente restent, mais ils sont désormais traités avec sérieux et violence, et le grand G retrouve, pour un premier temps du moins, son statut de grande menace pour l'humanité. Si la saga s'enferme, de nouveau, dans une certaine routine et des scénarios prétextes, elle pousse le retour d'un autre monstre géant prêt à prouver au monde que non seulement le ridicule ne tue pas, mais, en plus, il rend plus fort : Gamera.
Né en 1965 en tant que concurrent direct du roi des monstres, Gamera fut dès le départ pensé pour les enfants. Grosse tortue nucléaire qui crache du feu et qui vole comme une toupie Beyblade, elle est non seulement devenue très vite assez kitsch mais elle a vite mis sous le tapis toutes formes d’allégories politiques ou environnementales, malgré son statut de monstre nucléaire. Ses 8 premiers films sont assez difficiles à défendre, naviguant entre films corrects et nanars, voire navets honteux.
C'est donc un véritable miracle que de se retrouver face à un film traitant la tortue géante avec sérieux, respect et une bonne dose de violence, qui ne fera que s'amplifier dans les deux suites sorties quelques années après.
L'énorme intérêt du film de 1995 vient de l'ambiance de mystère qui entoure la tortue géante et ses adversaires : les gyaos. Ceux-ci sont particulièrement intéressants dans leur design et dans la montée en tension qu'ils imposent durant tout le film. Ils sont si marquants qu'on peut clairement voir qu'ils sont l'inspiration principale des MUTO du film Godzilla 2014 de Gareth Edwards. De manière générale, les monstres sont très bien faits, leurs designs sont convaincants et le travail de réalisation fait sur leurs tailles est exemplaire. Film de kaiju traditionnel oblige, les effets sont réalisés à la main, les villes sont des maquettes et les monstres sont incarnés par des acteurs en costumes, mais l'essentiel est là : On y croit.
En résumé, Gamera : Gardien de l'univers est un film très recommandable et le premier d'une trilogie qui marquera durablement le cinéma de monstres japonais. La tortue beyblade aux yeux adorables a laissé place à un monstre menaçant qui impose le respect... Et ce n'est que le début.