Gaston Lagaffe ou "on fait encore une adaptation pourrie d'une bande-dessinée française qui finira en prime-time durant les vacances d'été sur TF1" est une de ces comédies qui ont la finesse d'un godemiché tout juste sorti du magasin. Ainsi, le film de Pierre-François Martin Laval est l'image de cet objet : garanti sans vaseline


On a un film, ou plutôt des gens qui travaillent sur un film, paresseux au point de ne même pas s'emmerder à restituer le cadre de l'époque. Pef a sorti une vieille excuse comme quoi si Franquin avait écrit ça aujourd'hui, les aventures de Gaston auraient eu lieu dans un contexte moderne. Moi je pense qu'il n'avait ni l'envie, ni les capacités ou le talent pour faire une reconstruction crédible des années 70. Mais bon, entre faire en sorte de coller à l'oeuvre originale et s'assurer que le type qui joue Donald dans les Tuches touche un bon salaire, on se demande vraiment quelle est la priorité tiens. Et puis ils avaient un budget serré. Dix huit-millions d'euros c'est trop peu vous comprenez, impossible de se payer des décors de l'époque avec ça. C'est d'autant plus stupide qu'ils ont modernisé le cadre des aventures de Gaston tout en lui laissant son vieux tacot qui date de cinquante ans. M'enfin, face un sous Longtarin et des gags pas drôles, on devait lui laisser sa vielle voiture pourrie.


Les gags, tiens parlons-en


Si vous êtes fan de Bip-Bip et Vil Coyotte ou des Looney Tunes en général : Foncez ! Parce que 70% d'entre eux consistent en des explosions, des chutes, des accidents domestiques. C'est bien, Pef a respecté la bande-dessinée. Dommage qu'il n'ait aucune idée de mise en scène pour les rendre intéressants. Les dix premières minutes sont un condensé d'accidents "drôles", suivi de détonations plus espacés mais toutes aussi chiantes. Le problème est que Pef pense que si on transpose un élément de la bande-dessiné au grand écran, l'humour suit automatiquement. Or c'est faux. Je suis désolé, mais voir Gaston servir une morue aux fraises ou jouer du Gaffophone ne me fait pas rire. J'ai déjà vu ça maintes fois dans la bande-dessinée. Il faut qu'il y ait de la mise en scène derrière, une idée. On peut surenchérir sur un objet, préparer son arrivée, jouer sur l'inattendu, etc...Mais prendre un gag connu de la bande-dessinée, le montrer à l'écran et dire "hé regarde la mouette de Gaston en CGI foire, euh en vrai, c'est drôle hein ?" n'en fait pas partie. Dans Astérix et Obélix Mission Cléopâtre, Chabat reprend certains passages de l'album, mais il y ajoute aussi de sa touche personnelle. Ici, j'ai juste eut l'impression de voir un fourre-tout de gags et de situations tirées de la bande-dessinée sans aucune finesse. Le décalage évoqué plus haut entre le tacot et le cadre de l'histoire est finalement symptomatique d'une volonté de vouloir adapter les moments "cultes" de Gaston sans pour autant les rendre intéressant dans la format du cinéma


Le film est même assez flemmard pour ne même pas justifier certains gags.


A un moment, le véritable fils du patron s’assoit sur un ressort et pouf, il est propulsé comme s'il avait un moteur de fusée greffé à l'anus. En s'étant assis sur un ressort. Détendu. Et vraiment, il pose doucement son cul sur le ressort et pourtant il traverse le plafond. C'est un peu comme si augmenter le chauffage de un degré mettait le feu à votre maison alors qu'on est en plein hiver ou qu'un simple pétard explosait avec la même puissance qu'une bombe


On admire aussi des situations tellement stupides qu'elles ne marchent même pas dans le cadre de la comédie. Vous aurez ainsi la chance d'admirer des bouteilles de soda qui contiennent plus de liquide que ce que leur volume leur permet de contenir. On s'emmerde même plus à respecter les lois de la physique, hop, ou même de la cohérence. Parce que pour faire rire je veux bien, mais quand il s'agit du scénario...


Tous les problèmes économiques sont réglés en trente seconde et d'une manière totalement débile. Et non c'est parce que c'est une comédie qu'on peut se permettre toutes les ficelles qu'on veut. A part dans les productions vraiment barrées il y a une certaine logique et une certaine cohérence dans le scénario. Genre leur start-up est en faillite et il suffit que Alison Wheeler glousse comme une dinde sur une vidéo internet pour qu'ils remboursent des mois de chute libre en termes de vente ? La résolution ne fait sens ni dans son application, ni dans sa constitution


L'un des plus gros points noirs est d'avoir rendu le personnage de Gaston désagréable. Pef a voulu récupérer le côté un peu plus "politique" et idéologique de Gaston et le montrer à l'écran, si bien que le héros aux espadrilles est devenu un dispensaire de conseils bateaux proprement insupportable. La moitié de ses répliques sont ainsi les maximes d'une pseudo-morale visant à améliorer le cadre du travail et sur ô combien Prunelle est à côté de la plaque quant à la manière de gérer son entreprise et ses employés. S'il est indéniable que le personnage de Gaston Lagaffe est intéressant à appréhender sous l'angle du monde du travail et de la philosophie en général (Un hors-série de Philosophie Magazine était d'ailleurs paru à ce sujet l'hiver dernier), Franquin n'en a jamais fait une sorte de moralisateur et de Monsieur-je-sais-comment-instaurer-un-cadre-de-travail sain. Le traitement du personnage par Pef, lui par contre, le transforme en bobo-hipster insupportable. Insupportable mais aussi incohérent. Si la start-up est sur le point de déposer le bilan, c'est pas à cause de son modèle de travail mais plutôt à cause des décisions de Prunelle qui traverse une mauvaise passe. Dès lors Gaston est inutile. Il n'a rien à apporter à l'entreprise puisqu'elle fonctionne parfaitement avant et même sans lui, alors que la bande-dessinée de Franquin qui montre les employés de Spirou dans plusieurs situations de surmenage à cause de leur modèle de travail et de ce que l'entreprise exige d'eux (Fantasio et ses centaines de fiches, l'effervescence de Prunelle avant qu'il ne vienne chercher Gaston, Mademoiselle Jeanne face aux patrons, etc...Il existe plusieurs autres exemples dans la bande-dessinée sans doute) et face auquel Gaston se positionne de manière passive. Ce traitement du personnage, en plus d'être lourd, n'a donc aucun sens


Tant qu'à mal adapter la bande-dessinée, ils lui ont aussi donné un côté écolo. Si encore une fois Franquin avait fait de Gaston un défenseur des animaux et quelqu'un du genre plutôt hippie (Et encore c'était loin d'être le cas au début), j'ai pas le souvenir d'une planche où Gaston décide de se lancer dans le bio. Et plus, même ce côté écolo se casse la gueule quand on voit comment il est traité...


Faut vraiment être stupide pour penser que le toit d'une start-up en milieu urbain est un bon endroit pour une vache...Et puis enfonçons lui un tuyau dans le cul pour récupérer le méthane produit par ses gaz. Très bon pour la santé de l'animal ça. C'est sûr qu'avec tout le stress engendré par le bruit qu'elle se tape, elle doit avoir de sacrés problèmes gastriques la vache


Et puis bon, on ne cherche pas à utiliser le personnage de Gaston pour remettre en question le travail moderne et se questionner sur son utilité, ou encore se placer en dehors de lui, mais plutôt pour s'y adapter. Avec TF1 derrière c'est sûr que ce genre d'options n'entre certainement pas en considération dans les intentions de réalisation


Le seul point positif c'est le hippie du groupe de Gaston. Un type qui je crois est adapté de Bertrand Labévue mais j'ai pas regardé la distribution. Le seul personnage qui parvient à faire décrocher un sourire est un personnage tertiaire de la bande-dessinée...Et je crois qu'en plus il fait une dépression au bout d'un moment. C'est bien ça. Le dépressif de l'oeuvre original est plus drôle que n'importe quel autre personnage. Le moins qu'on puisse dire c'est que la sauce n'a pas prise.

The_Singe
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le 20 avr. 2018

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The_Singe

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