Au royaume des déglingués le bouffon est roi

Passé inaperçu à sa sortie, ce film suit un président grotesque au fond du gouffre et près, à son misérable corps défendant, à emmener un pays usé avec lui. Ce pays c'est la France et son président ressemble à Hollande (dont il est le successeur) avec une pointe de Houellebecq asexué confirmé, ou bien vu par les non-lecteurs. Bird est assez réussi, en tout cas dans son aura (on aura pas grand chose de plus) ; c'est bien l'alter ego croisé du président en cours François Hollande et du chanteur/showman Philippe Katerine. Le conseiller rapproché et probable premier ministre renvoie à Manuel Valls, par son caractère (sa dureté et sa fureur contenue – quoique cette dernière soit bien moindre que dans la réalité) et son rapport au président ; comme lui avant et pendant le mandat de 2012, Michel Battement assure la communication présidentielle, a besoin d'y croire et doit souvent ravaler ses espérances.


Le film est essentiellement un petit théâtre de déglingués, faux mais surtout perdus, certains tendus. Dans les souterrains miteux et remplis de vieilleries, au niveau-2 de l’Élysée voire plus bas car l'incompétence et les aléas n'ont pas de limites, des membres de la société civile sont enfermés dans un brainstorming pour sauver le président – suite à son énième prestation désastreuse où il a atteint le blanc prolongé en direct. Ils décident de couler Bird, c'est-à-dire mettre le dernier coup sur le corbillard, qui de toutes façons n'oppose aucune résistance – il arrive à respirer mais pas à coller des mots rapidement ensemble. Les élus doivent tenter des folies, avec lassitude et un début d'appétit, mais l'exercice sera stérile et peu généreux (la solution de 'la love' n'aboutira même pas). Les inventeurs de cet apocalypse politique ont essayé de faire du Richard Kelly (The Box, Southland Tales) et le résultat pourrait plaire aux amateurs de Dupieux (Rubber, Wrong Cops). Il souffre d'une tendance récurrente à appuyer sur ce qui est déjà posé, via des silences ou expectatives surlignées, ou l'étirement de scènes et discussions débiles.


Le point distinctif est cette volonté de mettre des junkies aux responsabilités ; dans ce paysage Bird est moins un accident qu'une consécration dégénérée ; elle semble avoir déboulé précocement, finalement elle reflète plutôt la décomposition d'un groupe humain et des anciens outils de sa transcendance, devenus des reflets lamentables. L'allocution en fin de soirée est décousue, absurde, improvisée ; à la fin du chaos mou, Bird, toujours dominé par la confusion et le devoir d'assertivité, tentera 'un truc', improbable et démesuré, naturellement. Pour les auteurs de Gaz de France ce sera une anecdote de plus et pas une occasion de tailler dans le vif ; l'heure est au jeu, même pas à la malice, très lointainement à la polémique. Dans ses divagations esthétiques le film s'en remet à un flashy daté, une esthétique et une musicalité rétro-futuriste, joue d'une espèce de vaporwave monogame en images. La force manque et l'inspiration est trop dévoyée pour compenser. Les anti-birds rappellent Eyes Wide Shut (pour les masques et le silence oppressant) et Bloody Bird (avec le hibou tueur dans une ambiance voisine – de représentation et de comédie musicale).


https://zogarok.wordpress.com/2017/04/08/gaz-de-france/

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le 3 mars 2017

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