L'amour n'est pas tant que ça.

Dans Gertrud, en tout premier, il y a ce noir et blanc très gris ; une mollesse aristocrate s'étale sur le contraste, un brouillard gris pâle s'étend sur les sentiments de nos héros ; un avocat, un poète, un musicien ; désagréables et sensés, ils errent dans l'immobilité permanente, droits et sérieux, engoncés dans des rôles plus étroits que leurs costumes. Les mouvements sont lents, difficiles, la caméra les suit pourtant, imperceptiblement, à la recherche d'une parfaite immobilité.

Et bien que tout ici soit si gris, personne ne semble s'en rendre compte, personne ne remarque cette surexposition permanente, cette brillance partout au dehors. Tout ce qui brille, ici, c'est Gertrud. Ah, Gertrud et son coeur malade, son coeur débordant, son coeur incompris ; pauvre Gertrud, écrasée par trop d'amours ; ils sont tous là, eux aussi. Chacun à la recherche de sa part de Gertrud. Un morceau perdu, un morceau rêvé, un morceau incompris ou qui n'a peut-être jamais existé. Ah, Gertrud, tout cet amour, tous ces amours, où cela te mènera-t-il ? Regarde autour de toi, le ciel ne brille plus, il n'y a que plus ces lumières étranges aussi perdues que toi dans l'obscurité.

Peut-être que toutes ces lumières ce n'est que dans ma tête ; il y a bien un souvenir, heureux : une pièce extra-lumineuse, la caméra virevolte autour d'une autre Gertrud, et retombe dans son immobile et larmoyante grisaille. Dreyer a vieilli, ici il n'y a terriblement pas de miracle, des constats et de regrets, peut-être une touche de rêve.

[Il fallait bien faire une critique, l'autre vous en raconterait presque trop ; mais les passionnés de l'Amour sont toujours un peu comme ça.]
JZD
8
Écrit par

Créée

le 8 mai 2013

Critique lue 788 fois

22 j'aime

2 commentaires

J. Z. D.

Écrit par

Critique lue 788 fois

22
2

D'autres avis sur Gertrud

Gertrud
JZD
8

L'amour n'est pas tant que ça.

Dans Gertrud, en tout premier, il y a ce noir et blanc très gris ; une mollesse aristocrate s'étale sur le contraste, un brouillard gris pâle s'étend sur les sentiments de nos héros ; un avocat, un...

le 8 mai 2013

22 j'aime

2

Gertrud
Moizi
10

Amor Omni

Magnifique. C'est un film précieux que Gertrud, alors pas précieux au sens péjoratif du terme, mais précieux car rare, car fragile, c'est tout un équilibre qui ne tient que grâce à la maîtrise...

le 11 oct. 2015

12 j'aime

7

Gertrud
Sergent_Pepper
8

Hôte d’amour

Epitaphe dans la douleur, Gertrud est un véritable traumatisme pour Dreyer. 10 ans après Ordet (séparé lui-même de plus d’une décennie de Jour de Colère), ce retour s’accompagne d’une hostilité...

le 10 juin 2020

12 j'aime

Du même critique

Malcolm
JZD
10

Critique de Malcolm par J. Z. D.

Francis qui veut pas travailler ! La peluche bleue qui parle à Dewey, et Reese pom-pom-boy ! Les microbes qui veulent entrer dans ses yeux ! Les objets s'évanouissent à proximité de Al ! Les nouveaux...

le 30 mars 2011

180 j'aime

35

La Vie aquatique
JZD
10

Critique de La Vie aquatique par J. Z. D.

Il faut, une fois pour toute, que je justifie ce dix, ce coeur, et cette place un peu malhonnête en tête de mon top film. En effet, ce film n'a pas les épaules (encore que c'est plus des jambes qu'il...

le 19 nov. 2010

157 j'aime

26

The Grand Budapest Hotel
JZD
8

The Budapest Hotel.

Inlassablement, le cinéma de Wes Anderson est parfait. Il est même de plus en plus parfait. Et pourtant, je ne suis pas sûr d'aimer de plus en plus ces films. Déjà, depuis un moment, ses notes...

le 26 févr. 2014

106 j'aime

9