Rien à faire, les films traitant du racisme font toujours à mes oreilles un bruit de gros sabots. Là où la plupart des gens voient enfin une œuvre traitant et dénonçant sans circonvolution le sujet épineux, je ne vois qu’une petite chose qui, en prenant la médaille par son revers, se trouve être d’un racisme ronronnant et bien chaussé.


Que voit-on ? Un jeune homme noir, présentant toutes les qualités souhaitables chez un être humain, accompagnant sa girlfriend (blanche) dans sa famille afin d’y être présenté.
Tous les blancs que nous y découvrons sont invariablement tarés, traîtres, mesquins, figés dans de sournois sourires de cire, gênants, de mauvais goût, laids. Le frère est un stéréotype à lui tout seul (il est beau en revanche, on ne pouvait pas lui coller toutes les tares).


Évidemment, si l’on ne jette au film qu’un regard mou la bouche emplie de popcorn, attendant la fin avant d’aller honorer sa douce, l’œuvre peut passer pour la dénonciation du racisme des élites blanches, qui ont appris à le déguiser sous des attitudes compassées à l’extrême.
Or, il n’en est rien. Car ce que veulent ces élites, ce n’est pas faire du mal aux noirs parce que noirs, mais devenir noires elles-mêmes. Et c’est ici que s’opère le renversement raciste. Elles savent toute la débilité de leurs gênes de blancs. Il semble par exemple que le père ment quand il affirme à quel point il admire Obama, tout comme lorsqu’il prétend que la victoire de Jesse Owens lors des J.O. de Berlin en 1936 infirmait les théories d’Hitler sur le Surhomme blanc.


Il est sincère. C’est là que se trouve la nature raciste du film, une sorte de racisme “positif”, car le Surhomme ici c’est bien l’Homme noir. Et on le lui dit, et on le regarde avec gourmandise, non avec haine, et on se le dispute aux enchères, et on le palpe et admire sa force physique et sa génétique (dixit le frangin), on veut devenir lui, on veut se sauver de sa peau de blanc fin de race par sa vitalité supérieure. Il est à la mode. Å l'époque coloniale, il arrivait que des tribus isolées bouffassent un blanc afin de s'approprier l'âme d'un “Dieu”. Ici encore le procédé en miroir fonctionne pleinement et Jordan Peele se “Riefenstahlise” pour nous faire un beau noir en blanc.


J’avais déjà eu cette impression avec American History X, mais ici on franchit un cap supplémentaire (le médiocre Desierto préparait déjà les chaussons).


On m’a rebattu les oreilles sur l’originalité de ce film, cependant je ne vois pas où elle réside, la chronologie des événements est d’un classicisme à faire peur. Techniquement certes, le film n’est pas mauvais, il est bien rythmé et certaines scènes ont vraiment retenu mon attention, notamment le dîner et sa sensation de malaise crescendo et la séance d’hypnose dont j’ai beaucoup aimé le traitement et le jeu très juste et presque hypnotique, osons le mot, de Daniel Kaluuya. C’est pourquoi, malgré ma critique, je lui mets la note de 6.


Toutefois il est regrettable que ce genre de sujet soit systématiquement traité sans nuances et qu'on ne quitte une rive que pour échouer juste en face.

Spahi
6
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le 10 juil. 2017

Critique lue 213 fois

Spahi

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