Toujours dans un sérieux déficit d'originalité, Hollywood décide de sortir de ses sentiers battus pour s'attaquer à quelque chose dont il a toujours eu peur d'aborder jusque là, les adaptations de manga. Le style japonais et le style américain sont à des années lumières l'un de l'autre et le fait que ceux-ci soient différents et évoluent dans leur propre sphère en font indubitablement leur force. Du coup, l'idée de voir une adaptation américaine de Ghost in the Shell n'est pas ce qui enchante le plus, le manga ainsi que le première film à avoir été fait dessus en 1995 par Mamoru Oshii sont des purs produits de leurs cultures. Que ce soit dans l'exubérance de l'univers visuel, les thèmes abordés et surtout la manière très nihiliste de les traiter est quelque chose de purement japonais en terme de style, chose qu'est incapable de faire ou de retransmettre un blockbuster US. Et le constat parait d'autant plus vrai lorsque l'on se retrouve devant un scénario insipide, une erreur de casting indéniable et un réalisateur incapable d'imprégner à son récit une vraie vision.


Le scénario va, dans les grandes lignes, garder les moments clés et les plus marquants de l'oeuvre de Masamune Shirow mais en terme d'histoire, il va s'éloigner de la trame du manga et du film de 1995. Garder l'univers et les personnages pour aboutir à une histoire "inédite" aurait pu s'avérer intéressant sur le papier, sauf que la plupart des modifications faites ici sont avant tout la pour simplifier drastiquement l'univers de Ghost in the Shell pour prendre la main du spectateur occidental plutôt que de venir vraiment essayer de le surprendre. Exit donc toute les réflexions autour du transhumanisme et de la complexité des relations entre les personnages pour avoir un récit lambda autour de manipulations de grosses entreprises qui exploitent le bas peuple. Même si il y avait un peu de ça dans l'oeuvre d'origine, c'était enrobé par un propos avant-gardiste et innovant pour l'époque et qui ne sombrait jamais dans le manichéisme. Ici au contraire le film accuse au moins 20 ans de retard dans ses thématiques et les rebondissements de son récit. On devine qui sont les gentils et qui sont les méchants dès l'ouverture du film et jamais on ne sera surpris par une histoire qui s'américanise au fur et à mesure de son déroulé pour terminer dans une happy end bien hollywoodienne.


Les personnages ne correspondent qu'à des archétypes et n'ont aucune once de profondeur, ce qui fait vraiment mal lorsque l'on connait un peu le manga de voir le Major ou le Puppet Master être réduit à si peu. Tandis que les scènes sont souvent téléphonés et bourré de clichés notamment quand le personnage principal va commencer à chercher des réponses sur son passé. Après le film tente de faire une auto-critique de lui-même dans sa manière d'amener un propos, notamment lorsqu'il pointe du doigt l'appropriation culturelle des grandes entreprises qui s'accapare d'un patrimoine pour le faire sien. Par là, il essaye de justifier maladroitement le fait que son actrice principale soit blanche au lieu d'être asiatique car les antagonistes tente de créer une perfection à leur image, prendre un humain asiatique pour en faire un machine blanche, symbole d'oppression. Ce qui aurait pu être intéressant si cela était mieux amené et si le film ne tombait pas constamment dans ce qu'il essaye de critiquer, sa démarche devenant hypocrite. D'ailleurs, plus que l’ethnie de l'actrice, il faut reconnaître que Scarlett Johansson à du mal à rentrer dans le rôle. Elle semble souvent à côté de la plaque et à du mal à apporter un caractère ou une substance à son personnage. Pas assez froide pour paraître robotique et pas assez subtil pour donner l'impression d'être humaine. Le reste du casting s'en sort un peu mieux même si il est sous exploité. Juliette Binoche vient cachetonner mais fais ça bien tandis qu'on retiendra un Takeshi Kitano sévèrement badass, Michael Pitt qui est inquiétant et vraiment bon arrivant là où Johansson échoué et Pilou Asbæk offre un très bonne performance dans le rôle du sidekick de l'héroïne.


Pour ce qui est de la réalisation, il faut reconnaître que le travail accompli est assez impressionnant. La photographie très léchée permet des plans de toute beauté avec un superbe travail sur la lumière qui magnifie une direction artistique foisonnante et des effets spéciaux très réussis. On à le droit à la même extravagance et richesse visuelle que pour le manga. Les musiques signées Clint Mansell et Lorne Balfe s'avèrent excellentes et s'inscrivent très bien dans l'univers mais on déplorera un montage un peu mou, notamment dans la première partie du récit qui perd beaucoup de temps dans des développements stériles qui ne sont là que pour rallonger un film pourtant assez court. La mise en scène de Rupert Sanders se montre quand même assez abouti, le réalisateur qui signe son deuxième film après Snow White and the Huntsman en 2012, prouve qu'il maîtrise plutôt bien la caméra. Il sait créer des univers visuels denses même si il peine à leur donner une vraie substance. Les plans sont ici magnifiques mais ils manquent cruellement d'âme. On a souvent l'impression d'être dans du sous Joseph Kosinski, Sanders partageant avec ce dernier un amour pour les ralentis lors des scènes d'actions et des visuelles très colorés dans un style très néon. Mais il faut reconnaître que les scènes d'actions sont relativement bien découpées pour être lisibles même si les meilleurs sont celles tirées du film d'animation de 1995. Sanders reprennent des passages plan par plan gardant exactement le même rythme des scènes. Niveau originalité, on a vu mieux.


Ghost in the Shell n'est pas ce que l'on pourrait appeler un mauvais film, il est juste un divertissement insignifiant. En dehors du gros miscast qu'est Scarlett Johansson, le casting est plutôt bon et il y a une maîtrise visuelle appréciable dû à une réalisation solide mais la sauce ne prend jamais faute à une simplification gênante du scénario. On se retrouve face à un récit sans âme, bourré de clichés et de passages plus attendus les uns que les autres. On retiendra donc que très peu de choses de cette adaptation trop américaine de Ghost in the Shell et on ne peut que craindre de voir cette appropriation culturelle se densifier car le film pourrait bien avoir un certain succès et les studios commencent déjà à évoquer une adaptation du célèbre manga Akira. Si la démarche reste la même, il y a encore très peu de chances que la réussite soit au rendez-vous. Mieux vaut se mettre ou se remettre les films d'animations originaux, bien plus complexe et abouti que ces remakes délavés et sans saveurs servis par Hollywood.

Frédéric_Perrinot
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le 1 avr. 2017

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