Il est difficile de donner un avis vraiment tranché sur cette adaptation US du manga et de l'anime mythiques, tant le spectateur un tant soit peu "éduqué" quant à l’œuvre originale est balloté durant le film entre des sentiments contradictoires. Disons que, au moins, à la différence de la plupart des blockbusters hollywoodiens, "Ghost in the Shell" stimule la réflexion, ce qui n'est déjà pas si mal. Le principal travers du film, totalement prévisible et imputable au gouffre culturel entre les USA et le Japon, est la transformation de la vision quasi-philosophique de l'évolution d'une humanité "augmentée" par la cybernétique et contemplant avec mélancolie un futur virtuel certain, en un thriller ultra-conventionnel sur la recherche nostalgique de l'humanité qui reste encore en nous (une touche de Philip K. Dick avec les souvenirs artificiels injectés dans le Major, une ambiance très "Blade Runner" comme si le film de Ridley Scott constituait encore l'alpha et l'omega en matière de prospective). Si les enjeux sont simplifiés par rapport au travail original de Mamoru Oshii en particulier, et donc plus "compréhensibles", cette vision inverse de l'évolution signe bien l'aspect profondément réactionnaire de la culture américaine actuelle, et bien entendu, la frilosité des studios hésitant à sortir des codes du cinéma de grande consommation. Sinon, et à condition de ne pas trop en attendre, le film - assez plat et anodin quand même, ce qui est un comble - reste un spectacle roboratif, grâce à la beauté stupéfiante des images, à la décision pertinente de reproduire (jusqu'au copié / collé) les choix de mise en scène, de rythme et de narration de Oshii, et surtout, surtout, au travail étonnant d'une Scarlett Johansson continuant judicieusement à jouer de cet incroyable décalage - dans la vie "réelle" - entre son image publique et son mystère intime, et plus encore entre sa voix et son corps starisé. Finalement, le seul vrai gouffre sensoriel et mental du film de Rupert Sanders, c'est Scarlett. Et ça nous ira pour cette fois. [Critique écrite en 2017]