Ah, Godzilla.
Plus culte comme monstre géant, tu meurs.
Pas étonnant qu'il soit au centre d'un tout nouvel univers cinématographique basé sur les kaiju eiga (= films de monstres géants japonais).
Il avait offert au grand public un incroyable bien qu'assez incompris premier film, et sera suivi de l'un de ses rivaux iconiques, King Kong, dans un film sympathique mais pas franchement mémorable.


Cela fait donc 5 ans que Godzilla avait quitté le monde des hommes en même temps que les salles de cinéma, et quand il revient enfin, il est bien décidé à redevenir le roi, celui qui les gouvernera tous et qui n'aura même pas besoin d'épée magique de pacotille pour y arriver !


Même si l'on pouvait craindre pour sa couronne.
Car s'il y a bien une chose que Legendary nous a prouvé avec la suite de Pacific Rim, c'est qu'ils sont assez forts pour envoyer bouler la vision d'un réalisateur pour nous offrir un produit sans aucune saveur que tout le monde a envie d'oublier.
Heureusement, ils ont appris de leurs erreurs.
Micheal Dougherty, s'il n'a pas le talent d'un Gareth Edwards, arrive assez bien à émuler son style jouant sur le gigantisme et la démesure absolue qui dépasse notre entendement. Les monstres qu'il filme, Godzilla compris, sont magnifiés la mise en scène, leur taille imposante donne lieu à des séquences de destruction inouïes. L'humain est une fourmi pour ces monstres. Ses villes, leur terrain de chasse. Ils ne détruisent pas pour le plaisir, car c'est à peine s'ils ont conscience de notre existence. Dougherty parvient à rendre ses créatures iconiques grâce à des plans larges absolument démentiels ou en jouant avec les éléments qui se déchainent.
Rodan apparait en sortant d'un volcan en éruption, en un simple battement d'aile, il crée des bourrasques si puissantes qu'on jurerait subir un ouragan. Mothra dégage une lumière blanche d'une pureté incroyable, en la contemplant, tout le monde cesse de bouger, et se contente d'admirer le spectacle. King Gidorah soulève une gigantesque tempête d'éclairs partout où il passe. Et Godzilla est leur roi incontesté, et cette dernière scène qui arrive à rendre "épique" un mot bien faiblard, est le commencement du règne des géants sur la Terre, la (re)naissance du cinéma des monstres.


Face à l'écrasante réussite de la partie Monstres du film, celle sur les humains semble plus un passage obligé pour Dougherty, il parait alors plus pataud et en pilote automatique, et ne met en valeur que des personnages bien ternes, en dehors du Professeur Serizawa, qui nous offre une scène et surtout une réplique finale à la fois simple et belle, comme l'ultime transmission de l'esprit nippon à sa grande créature écaillée. On atteint parfois des sommets d'absurdité, comme l'absence totale de sang et de blessures physiques, comme si tous les personnages ne vivaient pas vraiment les situations qu'ils vivaient, comme s'ils jouaient un rôle.
C'est un problème qui à présent parait marque de fabrique de l'univers des monstres. Le premier Godzilla ne mettait pas vraiment en avant ses personnages humains, et Kong Skull Island nous offrait une galerie de clichés ambulants qui arrivaient à rendre Maitre L. Jackson bien plat.
Maintenant que Godzilla II confirme ce problème récurrent, peut-être peut-on y voir une certaine volonté de la part des créateurs, une envie de propulser la bête comme vrai protagoniste du métrage, au détriment de l'homme, qui n'a que peu de place dans un tel contexte.
Les relations entre les personnages ne sonnent pas vrai, elles sont un décalque de clichés hollywoodiens vieux comme Mathusalem. Ici, un couple divorcé avec une enfant au milieu; là, de méchants terroristes voulant sauver la planète en laissant les monstres la ravager; dans cette direction, l'armée qui fait des choses stupides; et dans celle-ci, un héros scientifique intrépide qui a réponse à toutes les questions... A plus d'une occasion, on sent que le réalisateur ne demande qu'à quitter ce monde de faux-semblants, d'acteurs et de menteurs, qu'ils souhaite revenir à un univers plus animal et primaire, où la force fait marque d'autorité et les monstres sont seuls porteurs de vérité.


Car la vérité de Godzilla II : King of Monsters, il nous l'offre de fort belle manière.
Pour justifier l'existence de tant de créatures géantes dans un seul univers cinématographique et surtout les rassembler de façon cohérente, le film place ses monstres au sommet de la chaine alimentaire. Non pas des anomalies, mais de véritables animaux ayant leur place dans l’écosystème planétaire, et chargées de le réguler. Godzilla représente le plus puissant de ces super-organismes, car il est celui qui les domine tous et se charge de punir ceux qui menacent l'ordre naturel.
A plus d'une reprise, le film pose la question de la possibilité d'une coexistence entre l'humanité et ces monstres, et son constat plutôt amer est qu'ils sont nécessaires à la sauvegarde de la planète, mais que les Hommes doivent être prêts à beaucoup sacrifier pour perdurer sous leur protection. Qu'ils deviennent plus que nos alliés, nos maitres, dira Serizawa.
Loin des classiques histoires de super-héros où l'on attend des justiciers qu'ils protègent la Terre de tous types de menaces tout en leur demandant hypocritement de faire attention à ne pas blesser d'innocents ou casser trop d'infrastructures, Godzilla II parle d'une justice sauvage et imminente mais sans malveillance.
Les monstres nous sauverons, mais ne nous attendons pas à ce qu'ils épargnent nos maisons.


Godzilla assoit enfin son autorité sur le cinéma occidental, son règne s'annonce long et ses sujets tous dévoués à partir en croisade pour lui. Il pourrait d'ailleurs trouver un premier grand opposant politique avec ce gorille géant roi d'une île perdue.
Si la suite de l'univers cinématographique des monstres s'avère tout aussi qualitatif que les 2 premiers Godzilla, je suis prêt à signer pour une décennie de métrages.

Arkeniax
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le 31 mai 2019

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