Après six ans de disette et un procès, Bond revient en 1995. L'attente étant longue, Timothy Dalton avait quitté le rôle et on attendait les débuts de Brosnan dans la peau de 007, qui aurait du d'ailleurs avoir le rôle à l'époque ou Dalton l'a eu, mais n'avait pas pu se défaire de ses engagements. La production a souhaité visiblement assurer le coup en utilisant la bonne vieille Russie comme terrain de jeu et en feignant un rappel à la Guerre Froide tellement fructueuse pour la saga. Il y aussi MoneyPenny, Q et un faux Felix Leiter. La vraie prise de risque réside dans le choix de Judi Dench dans le rôle de M.



Le changement dans la continuité, le rôle fort des femmes : un choix Judi-cieux



Pourquoi mettre une femme dans le rôle de M est-il un choix plutôt audacieux mais surtout cohérent avec le monde de James Bond ? D'abord car l'époque a changé et mettre une femme en patronne de Bond permet de contrebalancer les personnages de pouvoirs masculins de la saga ou des autres films du genre. C'est une proposition intéressante. Ensuite, parce que l'actrice est impeccable dans ce rôle. Enfin pour des raisons inhérentes à la création du personnage. En effet M veut dire "mother", car c'était comme cela que Fleming appelait sa mère et aussi car la reine Elizabeth signait d'un "M" les lettres qu'elle envoyait à son possible espion, John Dee qui signait lui d'un OO7. Au fond le M des romans avec le rôle de père et de mère dans les romans, étant donné la situation d'orphelin de Bond.
Il n'y a pas qu'elle qui montre du caractère à l'écran. La première, et perfide Bond girl (ou faut-il dire Woman désormais ?) que rencontre Bond n'est autre que la sculpturale et psychotique Xenia Onatopp. Celle-ci est une mangeuse d'homme, une mante religieuse qui étouffe les hommes, littéralement.
Le deuxième est la magnifique Natalya Simonova. Quelques exemples parmi d'autres : elle met d'accord les hommes entre eux en leur parlant avec fermeté lors de la scène d'interrogatoire. Elle se défend contre l'opposant principal en lui mettent une belle claque et elle arrive à changer les codes du fameux Goldeneye.
Un film qui après six ans d'absence reprend là ou la série s'était arrêtée : avec des femmes fortes, plus que jamais.



Entre sécurité, hommage au passé et fond historique



La production tente aussi de reprendre ou ils s'étaient arrêtés concernant les scénarios. Ceux des années 80 évidemment, ceux avec différents opposants aux intérêts multiple comme dans Octopussy ou Tuer n'est pas Jouer mais ce n'est plus Maibaum et Wilson à l'écriture et donc le scénario n'est pas aussi intriqué et cohérent. Par exemple chez Zukovsky, Bond propose de lui rendre un service qui sera longuement décrit mais qui est supposé se produire dans un futur complètement extradiégétique. Dans les années 80, le même service aurait fait partie intégrante de l'action.
En revanche il montre des choses de manière honnête comme le rôle de l'Angleterre dans des massacres perpétrés par les Russes. Personne n'est blanc ou noir. Ici on nous fait même un mini court d'histoire peu populaire dans les écoles, même anglaises en parlant de l'affaire des cosaques de Lienz. Ceci perpétue la tradition bondienne de faire des références culturelles. Et en bonus on reprend en sous-main le style de Fleming, en parlant du nazisme de manière feutré comme ce dernier l'avait fait dans le roman Moonraker.
Au fond en reprenant des symboles communistes, des méchants russes, géorgiens ou cosaques, la production avait joué la sécurité après l'absence de l'agent des écrans pendant six ans et de difficiles problème juridiques.
L'action est au rendez vous certes, elle s'enchaîne sans trop d'effort mais tout cela parait être une compilation de la routine bondienne. On nous annonce aussi des missiles qui ne sont jamais utilisés. Et cette BMW Z3 est presque trop commune pour être la voiture de l'agent 007, même si on l'a voit peu à l'écran. En résumé le fans de gadgets pourront être frustrés. Mais rassurez-vous, la montre-laser est présente !
De plus certains passages paraissent avoir été filmés au rabais et la séquence d'introduction est beaucoup trop exagérée. Dernier point discutable, la musique d'Eric Serra semble aller contre le film la plupart du temps. Il n'y a qu'un morceau qui colle à l'action nommé sobrement Run, shoot and Jump.



Un bon cru sans originalité mais sans grosse bavure



Reste des personnages fascinant comme Xenia Onatopp ou le personnage joué par le très bon Sean Bean. Sans oublier la puissance de la chanson du générique interprétée par Tina Turner (dont il y a en dessous une petite analyse en bonus)
Un film pour rassurer tout le monde au final, les fans comme les studios après six ans de disette. Tous les aspects le montrent : le contenu du film, oui, comme le choix de réutiliser l'ancienne Aston Martin, mais aussi le marketing autour du film.
Goldeneye contient son lot d'aventures exotiques et d'humour, qui reste agréable sans s'éloigner des sentiers battus.


Bonus : Analyse de la chanson titre


Dans la chanson du générique d'ouverture, Tina Turner dit "It's a gold and honey trap I've got for you tonight". Le miel ("honey") est fabriqué par les abeilles, qui sont des insectes tout à fait symbolique du fait de féconder, car elle transporte le pollen d'une fleur "mâle" à une fleur "femelle". Elles sont également redoutées car leur dard peut piquer. Elles sont donc vecteurs de vie et de souffrance, deux choses qui sont des thèmes récurrents de la série. En allant même plus loin, on peut alors constater que l'abeille est un animal hautement ésotérique. Et on sait que Fleming a infusé son œuvre de plusieurs métaphores et symboliques attrayant à l'ésotérisme. D'ailleurs le fameux œil d'Or (Goldeneye) était le nom de sa maison en Jamaïque. Il fait également penser à l'œil des francs maçons ou encore à celui de Horus ou de Shiva. Dans le film il s'agit de celui du satellite qui nous observe tel l'œil d'un dieu nous regardant de haut. L'opposant de 007 voudrait en effet, comme bien d'autres avant lui, s'élever pour toucher le cosmos. Le faisant pour de mauvaises raisons il ne peut être toléré. Bond lutte, et par là se purifie à nouveau pour retrouver la belle du film. Sous cet aspect on peu aussi considérer qu'il s'agit en réalité d'un combat intérieur dont le résultat est un dépouillement amenant à une une plus grande simplicité et spiritualité, loin des vicissitudes d'un travail pris dans une toile diplomatique et politique complexe qui n'intéresse pas James Bond. On peut évidemment faire cette remarque pour d'autres films de la franchises.

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le 21 févr. 2015

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Fiuza

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