Le cauchemar de la masculinité
La banalité ? David Fincher ne connait pas. Capable de transformer ce qui semble des histoires peu originales en thrillers captivants, l’ancien réalisateur de publicités s’est aussi forgé une réputation de metteur en scène d’exception servi par les dernières technologies. Avec Gone Girl, il ajoute une nouvelle pierre à une filmographie déjà impressionnante.
En ce 5 Juillet, Nick Dunne (Ben Affleck) s’apprête à fêter ses cinq ans de mariage. Pas de chance car l’entente au sein du couple ne cesse de se déliter. En revenant du bar dont il est le propriétaire, il s’aperçoit qu’il y a eu du grabuge dans sa maison et surtout que sa femme (Rosamund Pike) a disparu. Il ne faut pas longtemps pour que l’enquête prenne une tournure inattendue lorsque Nick est de plus en plus suspecté d’avoir tué sa compagne.
Quel horreur ! Tels sont les mots qui viennent à l’esprit à peine les premiers noms du générique à l’écran. Maitre dans l’art du thriller, David Fincher est allé fouiller encore plus loin dans la psychologie humaine pour construire un récit effrayant. Gone Girl est une sorte de cauchemar de la masculinité où celle ci est réduite à la seule procréation. Ben Affleck est la victime impitoyable de cette dictature féminine qui contrôle tout par la force du charme et des sentiments. Avant tout, c’est par sa femme qu’il se fait tenir par la bourse mais au fil de l’avancée de l’enquête, on comprend qu’il est inoffensif quelque soit la personne en face de lui: groupie, animatrice télé, voisine, policière, etc… Il a d’ailleurs une relation fusionnelle avec sa sœur qu’il définit comme sa conscience.
Vision pire que pessimiste du mariage, le couple Nick/Amy nous est présenté à travers quelques flashbacks jusqu’au jour de la disparition. L’amour fou des débuts est peu à peu remplacé par l’incompréhension lorsque les non-dits arrachent le cœur. Cela conduit à des extrémités dramatiques que sont les violences conjugales physiques et morales.
Cette omniprésence des relations castratrices caractérise même la quasi totalité des personnages masculins. Par exemple, le père de Nick n’a jamais su se remettre de la mort de sa femme, l’adjoint de l’enquêteuse est influencé par sa femme et les anciens petits copains d’Amy sont marqués encore par de difficile ruptures. C’est là que Rosamund Pike trouve enfin son plus grand rôle en Méduse psychopathe, jouant avec les hommes pour atteindre des buts morbides. Elle orchestre tout dans les moindres détails afin de faire souffrir ces mâles impuissants dans bien des domaines. Le film se clôt de manière brute, il n’y a pas d’échappatoire. Absolument sinistre !
L’autre facette intéressante de Gone Girl est la manière selon laquelle l’histoire est vue de l’extérieur. La disparition d’Amy est très médiatisée, Nick ne doit pas seulement prouver son innocence mais éviter d’avoir une réputation salie. Ce tribunal public, la guillotine citoyenne fait encore moins de cadeau que la vie. En plus de se faire arracher les bijoux de famille, il risque de finir dans la charrette.
Sur le plan technique, pas de surprise non plus en disant que David Fincher est un réalisateur exceptionnel. Il prend le temps de construire ses personnages, de poser l’histoire pour que le spectateur se sente lui aussi acteur. Les images montrent des décors épurés baignés dans des couleurs froides qui ne font qu’accentuer la claustrophobie ambiante. Enfin, les twists arrivent toujours quand on ne les attend pas, ce qui structure avec perfection un scénario qui se déroule pourtant sur 2h30. Un chef d’œuvre de plus pour Fincher.