Good Boy
6.4
Good Boy

Film de Ben Leonberg (2025)

Il est un temps où la nuit ne se contente plus d’envelopper : elle écoute. Good Boy s’installe d’emblée dans ce temps : la projection devient veillée où la chair du monde vibre sous la truffe. L’image se courbe, se fait basse, la pénombre prend la consistance d’une respiration. L’air tremble, les lames de bois soupirent, un souffle se couche contre la vitre. Le film ne s’ouvre pas sur une intrigue ; il invente une patience crépusculaire et nous apprend à sentir.


Ben Leonberg place la subjectivité au creux du corps animal en confiant le rôle central à Indy, son propre chien. Ce geste n’est pas un gadget mais un principe de mise en scène : le film se réorganise selon un point de vue non humain, le cadrage s’abaisse, la profondeur de champ se réinvente, le hors-champ devient lisière menaçante. Ainsi, la maison hantée se reconstruit non comme décor explicatif, mais comme territoire sensoriel.


La réussite tient à l’osmose des moyens. La photographie privilégie la texture humide et la granulosité des surfaces ; les plans bas instaurent une topographie nouvelle ; le montage use de ruptures qui imitent l’attention intermittente de l’animal. La bande-son n’illustre pas ; elle structure l’espace filmique : respirations, résonances basses, silences diégétiques font basculer la demeure du familier à l’étrange. Wade Grebnoel signe des cadres où la tactilité prime sur la lisibilité, transformant la boue en matière narrative.


Indy occupe l’écran comme un acteur muet. Son regard, ses hésitations, la manière dont il revient vers l’homme malade portent la charge émotionnelle sans recours au verbe ; autour de lui, les comédiens humains adoptent une retenue qui laisse à l’animal la souveraineté affective. Cette inversion du régime du regard interroge la représentation de la loyauté et redonne au film une puissance empathique rare.


La radicalité formelle engendre toutefois ses contraintes. La durée concise — soixante-treize minutes — est à la fois vertu et limite : l’économie narrative aiguise la tension mais crée parfois une impression de circularité ; certains motifs sonores et visuels se répètent jusqu’à émousser légèrement leur impact initial. L’option du point de vue canin, si audacieuse, ferme aussi la porte à une exploration humaine plus fouillée ; ces ombres, loin de diminuer l’œuvre, en précisent la portée et la singularité.


Good Boy tient d’une fable où la peur ne s’exhibe pas mais se partage, où la fidélité devient matière de deuil et champ d’observation. Par son regard abaissé, son économie de moyens et son dépouillement souverain, le film renouvelle la maison hantée et inscrit Ben Leonberg, malgré les imperfections, parmi ces auteurs d’une mélancolie cinématographique singulière. On quitte la salle non pour le frisson, mais pour l’émotion lente d’une perte tenue dans la chaleur d’un poil vivant. Dans l’économie récente du cinéma d’horreur minimaliste, Good Boy affirme que la rigueur formelle peut, parfois, engendrer une intensité morale.

Kelemvor

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