Robin Williams, héros ou héraut de mon adolescence, personnage lui-même adolescent, rebelle à l'ordre établi domine, vampirise le film.


Projet refusé par trois grands studios, à l'époque, la guerre du Vietnam est encore une telle plaie vive que tourner une comédie sur le sujet rendit frileux les grands pontes.
Les américains ne dédaignent pourtant pas ce genre, la seconde guerre mondiale ayant déjà servi de toile de fond à nombre de comédies, musicales, ou non ... Il est finalement produit par Disney grâce à Williams qui était de leurs "créatures". ( d'obscurs téléfilms au "génie de la lampe" ).


L'argument est mince, et pourtant bien réel. Un Adrian Cronauer fut un animateur de la radio des armées à Saïgon au début du conflit, osant passer du rock sur les ondes, pour le bon moral des troupes.
Levinson connaissait le risque à tourner avec Williams: il use et abuse de l' improvisation, faisant fi de la vraisemblance historique, quand il joue le disc jockey déchaîné, lançant les morceaux rock comme Cap Canaveral envoyait des fusées dans l' espace...


A l'âge de mon adolescence non-polyglotte, le génie comique du monstre m'emporta en dépit ou grâce à la VF, la version originale souffrant de son humour too much connoté et d'un débit de parole infernal pour non- américain.
Pour l' anecdote, le film tourné en Thaïlande avec nombre de techniciens anglais, l' équipe restait de marbre aux saillies de notre Robin, en proie au doute, contrairement à Steven Hauk le roi de la blague pétard mouillé, pouet pouet.
Le réalisateur se laissant porter par la vague improvisatrice Williams, capta les fous rires des autres acteurs US, et ceux plus surprenants des acteurs thaïlandais et/ ou vietnamiens. Ce fou avait réussi à les embarquer dans son délire...


Disney et l'entêtement du réalisateur eurent aussi du bon, car ils nous offrent un regard inédit sur le peuple vietnamien martyrisé par la guerre coloniale française puis l' intervention massive des cow boys US montés sur hélicos. A cela s'ajoute le coup de projecteur sur un moment clef, 1965, l'engrenage mal connu de l' escalade sur place ( "terrorisme", infiltration par la piste ho Chi Minh, répression, massification des moyens, le Général Taylor anticipant déjà le bourbier que cela va être ).Pour qui veut comprendre le nœud gordien du conflit, ce film est le meilleur jamais réalisé. Lisez les messages de Johnson, écoutez Nixon déjà en campagne électorale... C'est d'une justesse absolue.


Levinson fait mouche de ses montages entre morceaux rock et images du conflit. Disney lui ayant demandé instamment de gommer au maximum la guerre, il improvisa quasiment le montage what a wonderful world qui arrache le film de son humour trivial parfois pesant.


La machine conformiste étant plus puissante que l' électron libre ( ce schéma se répéta dans son autre film phare le cercle des poètes disparus) on est touché de voir le personnage et l'acteur se démener comme un diable pour à tout prix de se faire aimer de ses élèves et de la jeune fille. La faille ultime de Robin, le moment de déprime du personnage résonne terrible quant on connait celle de l'homme ...


Il récolte ce qu'il a semé, le prix est cuisant. Derrière les stéréotypes dont jouent beaucoup notre duo infernal, percent de rares moments d'authenticité, de sincérité. Paroles de militaires Us ou de civils vietnamiens, vérités sur une impossible réussite ou rédemption.


A le revoir, je suis frappé comme ce film est hanté de ce désir d'être aimé et son impossibilité viscérale. Celui du personnage, de l' acteur et des EU au Vietnam.

PhyleasFogg
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le 6 oct. 2018

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