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Documentaire de Ulrich Seidl ()

Il suffit d'un peu de tendresse et de bienveillance...

Je n'ai jamais cru à l'idée qu'Ulrich Seidl serait un humaniste qui souffre face à l'état du monde, et qui exorciserait sa détresse avec ses films. J'y ai au contraire toujours vu un cynique qui se délecte du mal-être de ses personnages afin de les tourner en ridicule. Pour autant, il faut reconnaître que son cinéma est entièrement tourné vers la dénonciation des rapports de domination, et qu'il a tapé juste sur le néo-colonialisme dans Paradis : Amour, sur l'immigration dans Import Export et sur l'exploitation des jeunes femmes mannequins dans Models. Je cite volontairement trois fictions car je trouve que Seidl se débrouille mieux en fiction qu'en documentaire : son regard est tellement violent, sévère et voyeur qu'il y est plus facile de prendre du recul. Et paradoxalement, ses personnages de fiction sont moins torturés que ses personnages de documentaire (on pense notamment à Sous-sols, incroyablement honteux).


Et finalement, Good News m'a réconcilié avec le docu Seidlien. Le réalisateur se focalise ici sur une communauté bien précise, à savoir les travailleurs immigrés qui vendent des journaux. Le sujet est éminemment social, et quand bien même ce n'est pas un film-thèse, le constat est amer : les vendeurs de journaux travaillent 13 heures par jour et leurs salaires misérables dépendent de leurs performances, auxquelles ils ne peuvent de toute façon pas grand chose car ils se font attribuer des spots arbitrairement par leurs patrons. Ces derniers ont également des employés chargés de surveiller les vendeurs, qui les infantilisent et les précarisent encore plus en les privant de primes pour des raisons absurdes.


Face à ce système dégueulasse, la seule source de réconfort se trouve dans la communauté immigrée, ghetto dont ils peinent à sortir car ils parlent mal allemand. Et finalement, si le constat n'est pas particulièrement réjouissant, Seidl insuffle une certaine tendresse à la vie en communauté. Ce constat paraît contre-intuitif tant le réalisateur s'est acharné à montrer le pire de chaque système social. Mais ici, la caméra est plus curieuse que voyeuriste, elle s'intéresse aux gens et aux lieux en mouvement (je n'ai d'ailleurs pas le souvenir d'avoir déjà vu autant de regards-caméra spontanés dans un film de Seidl). Pour moi, la scène qui résume le mieux cette étrange bienveillance est celle qui se déroule dans un hôpital : là où Seidl appuie habituellement sur la solitude et la détresse de ses personnages, les patients en fin de vie ont ici droit à des plans simples, à l'épaule et d'une durée raisonnable, à l'inverse de ses longs plans fixes et figés habituels. La scène est évidemment dérangeante, Seidl tape où ça fait mal (le procédé rappelle d'ailleurs Paradis : Amour), mais la détresse des personnes âgées et leur proximité avec la mort ne sont pas appuyées.


Et pour couronner le tout, on quitte parfois les vendeurs de journaux de façon un peu arbitraire pour s'intéresser à d'autres personnages. Je me souviendrais sans doute longtemps de ce traveling glaçant à travers des cabines UV : je ne sais pas ce que ça fout là, mais c'est précisément ce genre de passages qui rend le film plus libre et moins démonstratif. Il me semble avoir lu quelque part que c'était un des films préférés de Werner Herzog. Je comprends pourquoi.


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le 11 juil. 2022

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