Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, « Good Time » a valu à l’édition 2017 un rafraichissement inespéré. Ultra nerveux, ce thriller désenchanté convoque autant l’univers des polars eighties que celui de ses contemporains stylisés, on pense évidemment à Michael Mann et Nicolas Winding Refn, mais pas seulement.


Chevauchée sauvage et nihiliste d’un homme en cavale après un braquage raté dont le seul but était d’emmener son frère handicapé mental sur une plage paradisiaque, le film déploie une énergie rarement maitrisée au cinéma. Exposant avec urgence toute une galerie de personnages errants dans les bas fonds new-yorkais (qui rappelle beaucoup celle d'After Hours de Scorcese), boosté aux drogues psychédéliques, le récit semble s’écrire au fur et à mesure, portant son héro de déconvenues en déconvenues vers une issue toujours plus compromise. Ce qui résonne c’est bien le « NO FUTUR » punk et à contre-courant, le désenchantement de cette époque passée s’inscrivant parfaitement dans le decorum moderne des frères Safdie. On y verra également une inspiration formelle des bande-dessinées (close-up, découpage des séquences) nourrie par une bande son électrisante signée Oneohtrix point never. Element indispensable, c’est d’ailleurs dans sa séquence finale à la sobriété et l’intelligence sidérante que le film s’envole vers un sommet inattendu sur un superbe titre avec Iggy Pop, the pure and the damned. Exempt de tout message moralisateur, « Good Time » finit ainsi par s’évanouir, en écho à sa scène ouverture, dans le regard innocent de son second héro. C’est celui d’un homme enfant, au passé déjà vite oublié et sans avenir dont l’amour des siens n’aura pas suffit à le sauver d’une société qui les a littéralement vampirisés; autant que tous les personnages qu’aura croisés son frère dans son périple. Par comparaison, il n’y a guère que « Spring Breakers » d’Harmoni Korine qui nous avait laissé telle impression de tristesse et de néant.


Et c’est peu dire si l’interprétation de Robert Pattinson, personnage central du film, déjoue tous les pronostics. Depuis Cosmopolis en 2012, l’égérie de Dior et icône de la trilogie pour ado Twilight, poursuit une ascension fulgurante (Cronenberg, Corbjin, Herzog, Gray…) dans la peau de personnages sombres et complexes, pas très bien dans leurs baskets et souvent violents. On le retrouvera d’ailleurs prochainement chez Assayas et Claire Denis. Mais avant ça il faudra digérer l’impact de sa démesure dans « Good Time », un nouveau coup d’éclat qu’on est pas prêt d’oublier.

FredBloodgreen
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le 28 oct. 2017

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