J'aime Robert Altman de tout mon petit coeur ! J'ai trouvé les trois premiers films que j'ai vu de ui immenses. John McCabe et le Privé ont été des coup de coeurs immenses, ou pour The Player un très très bon moment. Mais après mon visionnage de Gosford Park, je crois comprendre ce que j'aime chez Altman. J'aime le talent qu'a Altman pour pervertir les genres, les détourner pour en faire des fresques immenses, répondant brillamment à une question posée.
John McCabe est un western sans en être un, répondant à la question de la place du libre-arbitre et de la fatalité. Le Privé est un renouvellement total du film de détective privé, avec une réflexion immense sur la mise en scène et le scénario. Dans la même veine, Gosford Park est un whodunnit sans réponse, et c'est en cela qu'il est incroyable.
Avec 15 ans d'avance, Gosford Park est le meilleur épisode de Downtown Abbey, série que j'aime pour son propos social de fond (qui me crispe très souvent, mais qui a le mérite d'opposer grande aristocratie et prolétariat dans un spectre qui va de la domination sensuelle à la lutte des classe). Il est impossible, quand on l'a vu, de ne pas penser à A Couteaux tirés de part ce crime dans la bonne société aristocratique, et par extension à toute l'oeuvre d'Agatha Christie. Enfin, la vitesse dans son exécution et dans son montage nous font naviguer avec virtuose parmi tous les personnages intéressants de cette histoire, à la manière d'un Costa-Gavras.
Mais il est impossible de parler de ce film sans divulgacher, alors...
Gosford Park est un film fascinant car son génie réside dans son scénario : le crime qui tiendrait lieu de base à un whodunnit fascinant intervient à la moitié du film, avec des personnages peu caractérisés, et surtout, surtout, le film ne répond pas à la question "qui est l'assassin ?". Plus que cela, c'est à peine si la question est abordée, étant donné la place anecdotique que prend l'inspecteur joué par Stephen Fry, et le film se finit sans savoir qui a planté ce couteau dans le coeur du patriache de la famille.
Mais ce qu'il y a de plus intéressant dans ce film, ce sont ses personnages. Ils sont si nombreux qu'ils ne sont pas ou peu caractérisés, parfois stéréotypiques, mais le ballet de leur personnalité et de leur relations avant et après le crime charnière du scénario est fascinant. Altman et Balaban (co-scénariste) dresse le portrait d'une aristocratie médiocre, médisante, crépusculaire et dégénérée, et d'une sous-société prolétaire, bloqué dans une soumission domestique séculaire, toutes deux destinées à disparaître, mais dont les soubresauts cadavériques sont captés ici dans une histoire, où finalement, tous les personnages sont pathétiques.
Gosford Park manque sûrement du souffle qui habitent Le Privé et John McCabe, mais le métrage traduit le vision toujours et éternellement acérée de Robert Altman sur la société, sur une certaine forme de bourgeoisie et d'aristocratie. Gosford Park n'est pas un chef d'oeuvre, mais il reste un métrage fascinant dans la transgression du genre dont il fait preuve. Merci M. Altman de chambouler ainsi mes attentes et ma cinéphilié