Récit d'enfance en mode mineur de la part de Ozu, qui s'inscrit dans la veine de plusieurs autres films d'après mes lointains souvenirs (qu'il faudrait revoir) comme "Choeur de Tokyo" ou encore "Une auberge à Tokyo". Je ne sais pas d'où vient le (petit) problème mais je n'ai pas été emporté par la fable dans son entièreté : à vrai dire, dès qu'on quittait le monde des enfants pour se pencher sur son interaction avec celui des adultes, je décrochais régulièrement, comme s'il y avait des coutures mal négociées, comme si Ozu était beaucoup plus à l'aise dans le fameux regard à hauteur d'enfant (et non de tatami ici !) que dans la part d'incommunicabilité entre les deux sphères. En tous cas une œuvre à classer non loin de celles de Hiroshi Shimizu dédiées à ce sujet, comme "Les Qua¬tre Sai¬sons des enfants" et le très beau "Des enfants dans le vent".


Il y a un écho manifeste qui se produit rétrospectivement en regardant "Gosses de Tokyo", même si le schéma des deux enfants turbulents est assez récurrent dans sa filmographie : dans la défiance de ces deux-là, dans la grève qu'ils entreprennent (ici de la faim et de la parole) suite à un désaccord avec les parents, on a envie de voir dans "Bonjour" (1959) une reprise en couleur et en parlant d'une thématique très proche. Tout part ici d'une difficulté d'adaptation des enfants dans leur nouvelle banlieue de Tokyo, la famille ayant suivi le père qui a trouvé un emploi. Ils ont du mal à se faire une place dans les bandes de gosses existantes, et seront même amenés à faire l'école buissonnière à cause de cet environnement qu'ils trouvent trop inhospitalier autour de l'école. Les deux enfants ne rêvent que d'intégration, et leurs peurs autant que leurs déceptions les amèneront à entrer en conflit avec leurs parents — le père, surtout, qu'ils voient comme un être indigne faisant le clown et se rabaissant devant son patron.


On reconnaît bien vite la tendresse du cinéaste qui sait susciter l'empathie maximale pour ces enfants confrontés à une difficulté, au creux d'un récit d'apprentissage particulier. Dure incompréhension face aux inégalités et aux injustices... C'est très délicat, au sein des rapports de force qui s'exprime d'une multitude de manières, et ce ce avec seulement quelques cartons. Peut-être qu'il m'aura manqué le benshi pour accompagner ce silence...

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le 2 janv. 2024

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Morrinson

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