Quand l'Eglise protège ses Grands Méchants Loups

Quand on a connaissance des conditions de tournage et des barricades morales et pro-religieuses qui se sont mis en travers de son chemin, Grâce à Dieu frappe fort et juste, à l'instar d'un grand film engagé qui ouvre les yeux sur une vérité cachée. Dans cette fiction presque documentaire en trois mouvements, François Ozon met en scène la parole dans tout ce qu'elle a de plus inavouable, de plus intime, de plus libérateur. Cet acte des mots tabous devient l'essence même du film et nous incite à de grands questionnements sur notre société sans pour autant se révéler anti-église. Les révélations et les réminiscences du passé prennent la forme de boulet de canon, ravivant les brûlantes cicatrices qui s'étaient enfouies derrière des faux-semblants.
Ainsi, victimes et entourage réagissent chacun à leur manière, segmentant parfaitement cette enquête en trois phases, trois manières de vivre ce combat pour que justice soit faite. Car au delà du film politique, Grâce à Dieu est aussi un portrait d'hommes fragiles, sans jamais les rendre faibles. Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud, en première ligne, sont tous aussi émouvants et percutants les uns des autres. Mais chaque seconds rôles, des compagnes aux parents, en passant par les enfants et les autres victimes témoignent de l'influence d'un tel événement au sein d'une même famille. Je me dois de mentionner le courage et la conviction de l'acteur Bernard Verley qui prête ses traits, d'une façon très humble, à l'homme de foi accusé d'agressions sexuelles.
Pourtant, en début de film, le parti prix des nombreuses voix off qui lisent les échanges entre les protagonistes a su m'effrayer par leurs tons monocordes. Heureusement, l'émotion et la force du sujet prennent rapidement le dessus, nous impactant directement dans une vérité habituée au silence. Grâce à Dieu ouvre les yeux d'une façon très efficace, en perçant à vif le ton rassurant et mielleux des chefs d'Eglise qui tentent à tout prix de minimiser l'affaire. Ca ose dire les choses telles qu'elles sont, tout en s'appropriant très bien au cinéma via la forme d'une enquête, à l'image du récent Spotlight. François Ozon frappe fort en mettant en exergue ces héros ordinaires. J'en suis sorti bousculé, irrité, profondément touché.

alsacienparisien
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le 19 févr. 2019

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