Grâce à Dieu est une œuvre testimoniale aussi poignante que pertinente, un tour de force qui sans être à charge pour la religion catholique et ses pratiquants dont la foi est toujours respectée, n’en est pas moins accablant pour le clergé et sa hiérarchie.
François Ozon, dans sa réalisation la plus sobre mais aussi la plus puissante et la plus évocatrice à ce jour, propose son point de vue sans colère, avec calme, autorité et responsabilité. C’est ce qui frappe le plus dans Grâce à Dieu, une détermination et une clarté absolu dans son message. Ils savaient. Tout le monde sait, maintenant il faut rendre compte de ses actes.
La mise en scène discrète mais millimétrée du réalisateur agit comme un révélateur. Sur des destins brisés, des vies bousillées et une omerta répugnante que cristallise la ville de Lyon, aussi belle que puritaine. Elle stigmatise de manière très juste (je peux témoigner) et factuelle le milieu bourgeois catholique lyonnais, expose ses contradictions et son hypocrisie. Mais elle met aussi en valeur la magnifique cité des lumières.
En alternant dans sa narration la neutralité épistolaire des victimes récitant en off leurs correspondances avec les représentants du diocèse, et l'émotion brute de confessions coup de poing, Ozon équilibre parfaitement un récit clinique, sans voyeurisme, mais éclairé par une humanité réconfortante.
Chaque portrait, incarné par des acteurs investis, est d’importance égale, traité en fonction des différents parcours et des choix de chacun. Des trajectoires abîmées qui se rejoignent dans une lutte commune avec une constante, la libération de la parole comme catharsis, comme clé pour une reconstruction en tant que personne et en tant qu’individu dans un groupe (famille, travail).
A l'image de Spotlight qui usait des codes du thriller pour dénoncer le scandale des prêtres pédophiles aux Etats-Unis, Grâce à Dieu, à sa manière plus feutrée mais tout aussi indispensable, joue un rôle primordial d’éveil des consciences.
C’est impeccable, implacable. Nous saurons le 7 mars prochain si la justice a entendu la souffrance et le besoin essentiel de reconnaissance des victimes du père Preynat en condamnant le cardinal Barbarin pour ses mensonges et son odieux silence. Nous saurons si les choses peuvent enfin changer.

Thibault_du_Verne
8

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le 27 févr. 2019

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